Pour inaugurer sa 40e saison, l’Espace Libre s’offre Histoire populaire et sensationnelle, une pièce de Gabriel Plante qui traite d’héritage et de transmission des valeurs, dans le cadre d’un Québec où la crise d’octobre et l’enlèvement du ministre Pierre Laporte par le FLQ se seraient passés différemment.
Gagnante du prix Gratien Gélinas en 2016, Histoire populaire et sensationnelle nous raconte l’histoire d’un fils de felquistes révolutionnaires à son entrée à l’âge adulte. Dans la pièce, les parents ont échangé la vie du ministre contre une fortune familiale, et n’ont donc pas besoin de travailler. Le fils, qui ne sait même pas son nom et qui n’a jamais rien appris (ni lire, ni conduire, ni aimer), décide de quitter la maison familiale et est confronté au monde extérieur.
À travers cette fable violente et pleine d’humour, les parents souhaitent transmettre – avec des résultats mitigés – leurs valeurs révolutionnaires à leur fils oisif qui s’autoproclame « un tabarnak ». Dans la pièce, ce sont donc les baby-boomers qui sont des révolutionnaires et les enfants qui sont déconnectés et complaisants. Le message d’échec de la transmission des valeurs familiales se fait donc dans un cadre absurde, hors du Québec moderne, qui semble éloigné de la réalité contestataire des jeunes d’aujourd’hui.
Les comédiens sont tous excellents, tant dans le comique que dans le tragique : les parents sont incarnés par Christian Bégin et Jacques L’Heureux, et les plus jeunes sont joués par Philippe Boutin, Sébastien David et Gabriel Plante.
La distribution est seulement masculine et blanche, et c’est un choix artistique qui se veut une représentation de ce qui est véhiculé dans la culture populaire et de l’omniprésence, justement, de l’homme blanc. Malgré le fait que ce soit un choix éditorial, ça m’a beaucoup dérangée pendant la pièce que les rôles de femmes soient joués par des hommes, parce que je sais que les personnes s’identifiant comme femmes sont au moins aussi drôles et talentueuses que les messieurs! De plus, j’aurais trouvé le tout beaucoup plus subversif si, par exemple, tous les rôles avaient été joués par des femmes au lieu du contraire.
Bref, les messages véhiculés par la pièce étaient, selon moi, maladroitement transmis. Par contre, nous sommes sortis du théâtre en ayant l’impression d’avoir vécu quelque chose, et n’est-ce pas justement le propre du théâtre semi-expérimental?