Il y a six mois, j’ai pris la décision d’arrêter l’alcool. Je n’étais poussée par aucune raison médicale, j’avais simplement envie de faire une pause. Sans en avoir l’air, la boisson avait pris beaucoup de place dans ma vie. Elle faisait office de remède à tout : facteur de détente en période de stress, réconfort dans le chagrin et touche de fun dans les moments festifs. Enfin, c’est ce que je croyais, car en réalité, l’alcool nourrissait aussi mon anxiété.
De nature timide, j’ai parfois le plus grand mal à communiquer avec les autres. Face à mon interlocuteur, je panique. Un flot de questions envahit mon esprit : qu’attend-il de moi, comment puis-je lui plaire, suis-je capable de susciter son intérêt? Résultat, le temps de démêler toutes ces pensées, la conversation s’est déjà transformée en un long silence malaisant.
Et quoi de mieux, pour éviter cette situation embarrassante, qu’un petit tour au bar? Après un verre ou deux, je devenais déjà plus loquace. La peur de m’exprimer s’envolait, je me voyais libre de donner mon opinion à qui voulait l’entendre. Je ne me demandais plus quel rôle je devais jouer, je me contentais simplement d’exister.
L’ébriété changeait également mon rapport à mon corps. J’oubliais mes complexes. La honte d’être trop ceci ou pas assez cela se trouvait reléguée au second plan. Affranchie de mon propre jugement, j’habitais réellement ma chair. Je m’autorisais à occuper l’espace autour de moi et, surtout, je me sentais capable de faire ma place au sein du groupe.
Pourtant, si l’alcool annihilait nombre de mes peurs, il les entretenait également, d’une façon un peu sournoise.
J’ai entamé cette cure avec des appréhensions. Je craignais d’avoir à changer radicalement mes habitudes ou de devoir réduire mes interactions sociales au strict minimum afin d’éviter les tentations. Mais il s’est produit tout le contraire. J’ai redécouvert la joie simple et profonde d’une soirée entre amis. Le plaisir des moments passés ensemble a gagné en intensité. Les petits bonheurs ont surgi là où je ne les attendais pas. Et, surtout, ils m’ont semblé plus francs, car ils n’étaient plus dilués dans l’ivresse.
J’ai également renoué avec une vieille connaissance : le rire. Mais pas ce rire étourdi qui apparaît comme un réflexe ou un effet secondaire de la consommation d’alcool. Plutôt un rire d’enfant qui s’amuse naturellement des choses de la vie.
Aujourd’hui, j’ai cessé de puiser ma force dans un artifice. Je sais qu’elle se trouve quelque part à l’intérieur et pas dans un ailleurs où une meilleure version de moi-même attendrait un signal pour entrer en scène. J’essaie d’abandonner cette conviction que je suis inappropriée ou insuffisante. J’apprends à vivre pleinement et tout entière.