TW/ Mise en garde: Ce témoignage comporte des récits d’agression sexuelle et de viol.
Ce texte se veut être ma thérapie, en quelque sorte. L’écrire me fait du bien. Le savoir lu me fera encore plus de bien et espérer qu’il aidera au moins une seule personne m’en procure plus encore.
Il m’a fallu beaucoup de recul et plusieurs années pour comprendre ce qui m’était arrivé et reconnaître que je n’étais pas responsable des actes que ces personnes avaient posés. J’étais jeune, naïve, je faisais confiance aux gens, j’avais peu confiance en moi et je crois que j’avais un manque de connaissances. J’espère sincèrement que la lecture de mon récit pourra aider d’autres personnes comme moi.
J’avais 14 ans…
J’avais 14 ans. Je me croyais femme, je voulais être femme. Tu étais plus âgé. Tu étais beau. Tu respirais la confiance en soi. Tu semblais si inaccessible. Pourtant, tu t’intéressais à moi. Tu passais beaucoup de temps avec moi. Tu me disais que j’étais belle. Nous avons passé un été ensemble, à se voir pratiquement tous les jours.
Je n’avais pas ton numéro de téléphone. C’est toi que me contactais. Je ne savais pas où tu habitais. C’est toi qui venais chez moi. Tu ne m’as jamais dit ton vrai prénom, uniquement le surnom que tout le monde te donnait.
Nous nous embrassions avec désir. Je n’avais jamais eu de relation sexuelle. J’étais curieuse, intéressée et attirée par la sexualité. Je voulais aller plus loin. J’avais envie que ce soit avec toi. Je ne voulais pas que ce soit ainsi. J’ai eu mal. Je n’ai pas aimé.
Tu savais que c’était ma première fois. Tu m’as dit que ça se passait ainsi.
Après cela, tu as commencé à t’intéresser à ma sœur, de deux ans ma cadette. Tu as commencé à la voir plus régulièrement et nous ne nous sommes plus revus après que tu aies pris ma virginité.
Toi, ma sœur, lorsque j’ai su qu’il passait du temps avec toi, j’ai voulu te mettre en garde. Je t’ai raconté ce qui s’était passé. Je voulais te protéger. Tu m’as répondu que j’étais simplement jalouse parce qu’il t’aimait plus qu’il ne m’aimait.
J’avais 18 ans…
J’avais 18 ans. J’avais organisé un party à la maison. Tous mes amis y étaient. Nous avions tous beaucoup bu. Nous dansions. Aux petites heures du matin, j’étais fatiguée. Je suis descendue me coucher dans ma chambre. Seule. La porte fermée.
Nous avions déjà couché ensemble dans le passé, lors d’un party comme celui-ci, mais pas celui-là. Je ne sais pas à quel moment, cette soirée-là, tu as vu une invitation. Je ne sais pas à quel moment tu as cru avoir la permission de venir me rejoindre dans ma chambre, de te glisser dans mon lit, de glisser ta main dans mon pyjama puis dans ma culotte et de caresser mon entrejambe.
Je ne sais pas qui te l‘a permis, mais ce n’était pas moi. Je dormais. Seule. Je me suis réveillée parce que j’étais dérangée dans mon sommeil. J’ai senti tes doigts entre mes jambes. Je t’ai repoussé, je me suis levée. J’étais en colère. J’ai demandé c’était quoi ton problème, je t’ai dit que j’étais en train de dormir.
Je suis sortie de ma chambre pour aller me coucher dans celle de ma sœur, qui n’était pas là. J’étais effrayée. J’ai barré la porte de la chambre. J’avais peur que tu viennes me rejoindre. Je ne comprenais pas ce qui s’était produit. Je me sentais responsable parce que j’avais déjà, par le passé, volontairement couché avec toi.
Nous n’en avons jamais reparlé. J’ai toujours eu un malaise en ta présence suite à cela sans savoir comment mettre des mots sur ce que je ressentais. J’ai même banalisé ton geste pour que la situation me soit tolérable. Maintenant, je sais que tu étais en tort et que tu n’avais pas le droit de me toucher.
Je me suis toutefois longtemps sentie responsable. J’étais en colère contre toi, mais aussi contre moi-même. Je ressentais énormément de gêne face à ce qui s’était passé. Je croyais avoir envoyé de mauvais signaux. Je ne savais pas à qui en parler ni comment en parler. C’est pourtant toi qui aurais dû être gêné. C’est toi qui aurais dû mal vivre avec cette situation.
J’avais 20 ans…
J’avais 20 ans. J’étais avec une amie au bar le Beaugarte. Nous avions beaucoup bu. Nous avions même trop bu. Nous parlions fort. Nous étions provocatrices. Nous avions du plaisir. Un moment, pendant la soirée, nous cherchions les toilettes. Nous avons demandé à une personne où elles étaient situées.
Tu étais là. Tu nous as dit de te suivre, que tu y allais aussi et donc, que tu allais nous montrer où c’était. Nous t’avons suivi. Tu t’es dirigé vers des escaliers qui descendaient. J’ai eu un doute. J’ai répété plusieurs fois que je ne croyais pas que les toilettes étaient par là. Tu disais « oui, allez, venez ». J’ai suivi avec un sentiment qu’il s’agissait d’une mauvaise idée, mais qu’au moins nous étions deux, mon amie et moi.
Arrivés au bas des escaliers, nous étions dans l’entrée du stationnement souterrain. Tout s’est passé très rapidement. Tu m’as pris par le bras et tu m’as poussée contre le mur de béton. Tu as mis tes bras de chaque côté de moi et tu essayais de m’embrasser. Je tournais la tête pour t’éviter, je disais « non, lâche-moi », j’essayais de te repousser, mais tu étais beaucoup plus fort que moi. Mon amie te criait de me lâcher.
Après quelques minutes qui m’ont paru être une heure, elle a perdu pied en essayant de tirer ton bras et elle s’est cogné la tête contre le mur. Tu t’es tourné vers elle pour lui demander si elle était okay. J’ai profité de ce relâchement pour me dégager. J’ai pris mon amie par la main et je l’ai entraînée avec moi en courant.
Nous avons quitté le bar en taxi. Nous n’avons jamais reparlé de cette situation – par gêne, j’imagine – comme si nous n’assumions pas ce qui s’était passé. Et nous nous sommes perdues de vue. Elle n’est plus une amie.
J’avais 21 ans…
J’avais 21 ans. J’aimais faire le party, sortir, danser, boire. Tu étais mon amie la plus proche. Nous étions ensemble plusieurs fois par semaine. Tu étais en couple depuis quelque temps avec un garçon en qui je n’avais pas une grande confiance. Il ne m’inspirait pas beaucoup de positif.
Mais tu étais mon amie. Je voulais être là pour toi. Je t’appréciais beaucoup. J’avais du plaisir avec toi et je te faisais confiance. Ce soir-là, tu m’as téléphoné. Tu m’as dit être avec ton chum et un de ses amis qui m’avait vue sur Facebook et qui me trouvait très belle. Tu m’as dit que vous vouliez sortir au bar du coin et que vous aimeriez que je me joigne à vous.
J’étais toujours prête pour faire la fête. Je suis donc allée vous rejoindre à ton appartement, en ville. Nous avons pris une bière, puis nous avons appelé un taxi pour nous rendre au bar le Boudoir. C’était samedi soir. Le bar n’était pas rempli. Nous dansions. Nous avions beaucoup de plaisir.
L’ami de ton chum ne m’attirait pas. Il était gentil. Je me suis dit que nous pourrions nous amuser au bar, mais sans plus, puisqu’il ne m’intéressait pas du tout, que je ne le reverrais probablement jamais puisque je t’informerais de mon absence d’intérêt.
Je me souviens qu’à un moment, ton chum et son ami sont venus vers nous avec des shooters et des bières. Nous avons pris un shooter chacun, puis votre ami m’a offert une bière, que j’ai acceptée et bue. Il s’agit des seuls verres que je me souviens avoir consommés. Le reste de la soirée est flou.
À un moment, je danse avec toi. À un moment, nous sommes de retour à ton appartement, je suis assise sur le sol dans ton salon. Je ne me souviens d’aucune conversation. Je ne me souviens d’aucune action. Ensuite, j’ai quelques flashs. Moi, nue sur le futon du salon. Lui sur moi. Il me prend les seins si fort entre ses mains que la douleur me fait reprendre conscience.
Je le regarde, je ne comprends pas ce qui se passe. J’essaie de lui tasser la main, je suis faible, je suis incapable de garder les yeux ouverts, je reperds contact et c’est à nouveau tout noir. J’ai un autre flash. Je suis nue, à quatre pattes sur le futon. Il est derrière et en moi.
Tu ouvres la porte de ta chambre pour en sortir et aller te chercher un verre d’eau. Tu dis « ah, scusez » et tu continues ta route. Ton chum entend, il sort de la chambre et nous regarde. Je me laisse tomber sur le côté en essayant de me cacher comme je peux. Je ne comprends pas comment j’ai pu me retrouver dans cette position. Je crois que j’essaie de parler, mais rien ne sort. Tu retournes dans ta chambre, puis c’est le noir.
J’ai un autre flash. Encore la douleur intense sur mes seins qui me fait reprendre conscience. Je suis couchée sur le dos. Il est encore sur moi et en moi et me prend les seins entre ses mains. Mes paupières sont lourdes. Je ne sais pas ce que je peux faire, je me sens incapable de contrôler mes mouvements, puis c’est noir.
À un moment, vers 5h ou 6h am, je reprends le contrôle de mon corps soudainement et me réveille. Je ne ressens aucun mal de tête ou de cœur typique d’un lendemain d’abus d’alcool. Je me lève, je trouve mes vêtements et m’habille rapidement en marchant vers la porte.
Je suis partie. Je suis sortie de ton appartement en courant. J’ai traversé la rue en courant jusqu’à ma voiture. Il me suivait. Il courait derrière moi. Il me criait d’attendre, qu’il voulait me revoir, qu’il voulait mon numéro. Je ne voulais pas. J’étais effrayée. Je me suis assise dans ma voiture pour partir. Il retenait ma portière pour ne pas que je la referme. Il m’a demandé si nous nous reverrions. J’ai dit oui par peur de ce qu’il ferait et surtout pour qu’il me laisse partir. Lorsqu’il a lâché ma portière, je suis partie si rapidement que j’ai brûlé la lumière rouge.
Je t’en ai reparlé par la suite. Je t’ai dit croire avoir eu quelque chose dans mon verre. Tu m’as répondu nous avoir vu et que je n’avais pas l’air de ne pas vouloir. Tu m’as dit que j’exagérais et que je n’assumais pas d’avoir couché avec lui. Je me suis questionnée à savoir si tu avais raison, mais je ne me souvenais pas d’avoir eu de ses avances et encore moins d’y avoir répondu. Je n’ai, encore aujourd’hui, aucun souvenir d’avoir enlevé mes vêtements, de l’avoir laissé me pénétrer, ni même simplement de l’avoir embrassé.
De quoi crois-tu que ça a l’air, une fille qui ne veut pas? Crois-tu, comme dans les films, qu’elle doit hurler et se débattre de toutes ses forces, la main de son agresseur sur la bouche ou encore être sous la menace d’une arme? Pourquoi m’avoir traitée comme une menteuse? Pourquoi dire que mes sentiments et sensations n’étaient pas possibles? À quoi crois-tu que peut ressembler une fille qui a donné ou non son consentement?
Je n’ai pas insisté. Je me suis renfermée avec mon incompréhension. J’ai dû vivre avec les marques qu’il avait laissées sur ma peau. Mes seins étaient couverts d’ecchymoses qui sont passées du bleu au mauve et au jaune. Elles sont restées là pendant des jours à me rappeler les événements, à me rappeler la douleur ressentie cette nuit-là. Je ne savais pas quoi en penser. Je ne savais pas à qui en parler. Je me demandais qui me croirait.
Quelque chose s’est brisé cette nuit-là. J’ai perdu confiance en toi, aussi. J’en ai tout de même parlé à une autre amie. Une amie qui ne faisait pas partie de nos amis en commun. Une amie qui me connaissant depuis des années. Je lui ai dit croire avoir été droguée.
Je lui ai vaguement raconté les événements. Elle m’a dit ne pas savoir si c’était possible. Quelques jours plus tard, elle m’a dit avoir demandé à son ami, qui se trouve être un des plus grands fournisseurs de drogues dans la ville de Québec. Il lui a dit que c’était très difficile de se procurer la drogue du viol en ce moment et donc, que ça ne pouvait pas être ça. Je ne pouvais pas le croire. J’étais incapable de m’expliquer les événements. Je me suis dit encore une fois que personne ne me croyait.
Quelques jours plus tard, une autre amie m’a questionnée sur les marques sur ma poitrine. Les ecchymoses étaient si grosses qu’on les voyait sortir de mon chandail. J’ai simplement répondu par un sourire gêné pour ne pas répondre à ses questions.
La deuxième partie de ce témoignage sera publiée demain à 20h.
Pour savoir quelles ressources et quels organismes d’aide aux victimes d’agression sexuelle sont disponibles dans votre région, consultez le site du gouvernement du Québec.
Vous pouvez aussi consulter le site du Regroupement Québécois des Centres d’Aide et de Lutte contre les Agressions à Caractère Sexuel (RQCALACS) et composer le 1-888-933-9007 en tout temps et sans frais pour obtenir de l’aide.