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Ma petite fille intérieure

Elle est toujours là, mais je remarque à peine sa présence. Sauf lorsqu’elle se fâche, pleure ou réussit. Même là, je la prends rarement au sérieux, car elle vit dans un corps et une tête d’adulte qui ont grandi très vite, tout en maladresse.

Ma petite fille intérieure. J’aimerais te caresser les cheveux et te demander pardon de ne pas t’avoir écoutée lorsque tu me murmurais la bonne chose à faire. La parole à taire. Le baiser à donner. Le pardon à accorder.

Je t’ai envoyée au coin. Je t’ai bousculée. Je t’ai traitée d’idiote. Ma petite fille intérieure, tu en sais pourtant infiniment plus long que moi sur le monde.

Tu aimes sans regret, sans crainte et sans arrière-pensée. C’est grâce à toi que j’ai trouvé ce que je cherchais. Tu es sage, patiente et pleine de vie. Tu allumes des bougies dans les nuits les plus épaisses pour me montrer que la noirceur n’est que passagère.

Tu t’émerveilles devant les papillons de nuit qui se brûlent les ailes sur les lampes de la véranda. Tu aimes te blottir au chaud dans les bras de l’être aimé. Tu raffoles des histoires de fées. Tu écris des poèmes. Il te prend des envies de cuisiner des muffins à 10h du soir, de rire aux éclats, de lancer une bagarre de coussins, de réveiller ton amour dès l’aube et lui chuchoter tes secrets.

C’est gratifiant d’être adulte. D’avoir de l’argent, une vraie job, des responsabilités et des activités inconnues de l’enfance. Un.e adulte, c’est tellement fort.e. Il relève les autres tout en se relevant, supporte le poids du monde sur ses épaules, prend le blâme, comprend, anticipe, pardonne, recommence. Le tout sans craquer. Sans se fâcher. L’adulte peut pleurer, mais pas trop. Il doit communiquer, devenir les désirs des autres et les combler. Il doit être beau ou belle, marcher la tête haute, respirer la confiance et le bonheur, attiser le désir et l’admiration. Mais, c’est dur de faire tout ça avec un enfant intérieur qui se fait parfois entendre.

Résultat : on l’enferme dans un coin.

Blessé, affamé, cet enfant réapparaît aux moments inopportuns et élève un peu trop sa voix à travers le corps d’adulte. Il lui fait parfois dire ou faire des choses jugées immatures, maladroites, stupides. Choses qu’en tant qu’adulte, nous ne sommes pas très habiles à réparer.

Ma petite fille intérieure est souvent ignorée, mais sa magie opère toujours lorsque je lui laisse un peu de place. Avec le recul, je constate que mes plus belles qualités sont celles que j’avais étant enfant, et que je n’ai pas perdues.

Et si l’un de nos grands défis d’humains est de trouver l’équilibre entre cet.te enfant et l’adulte que nous sommes devenu.es?

Lorsque je rends quelqu’un heureux, c’est ton œuvre, petite fille. Tu es spontanée. Sans crainte, tu dis les mots qui sèment des étoiles dans les yeux les plus tristes. Grâce à toi, je suis curieuse et je sais m’émerveiller. Tu m’as appris à apprécier les silences dorés, les petits riens fugaces, les bisous pressés sur le coin de la bouche, les chansons quétaines et les déjeuners du samedi. 

Ma petite fille intérieure, tu ne baisses jamais les bras et tu prends toujours soin de moi. Tu adoucis l’adulte que je suis.

Aujourd’hui, je veux te sortir du coin et te redonner la place qui t'appartient. 

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