J’ai toujours eu un rapport difficile avec mon apparence. Je ne me trouve pas jolie. Je n’aime pas les traits de mon visage. Je n’aime pas la forme de mon corps. J’ai déjà été très mince, et plus ronde, et dans les deux cas je n’ai jamais aimé mon corps. Il n’a jamais ressemblé à l’image que j’avais du corps idéal. Avant, même lorsque je restais seule chez moi je devais me maquiller. Je n’étais pas capable de tolérer de voir mon visage dans un miroir autrement.
Pourtant, j’aime me définir comme féministe. Je refuse d’accorder beaucoup d’importance au physique. Je ne pense pas que le poids d’une personne la rende plus ou moins jolie. Et je ne pense pas qu’être beau ou belle soit un but en soi, ou que cela nous donne plus de valeur.
Je veux être intelligente, curieuse, aventureuse, je veux voyager, étudier, apprendre toujours plus. Je veux apporter une réelle contribution. Je ne veux pas être superficielle. Je ne juge pas les gens par leur apparence. Je ne veux pas qu’on attende des personnes s'identifiant comme femmes d’être belles et souriantes, sans plus. Mais quand il s’agit de moi, je suis incapable d’appliquer ces concepts.
Du moins, je suis incapable d’accepter que mon apparence n’a pas tellement d’importance. Probablement parce que ce n’est pas le cas. Même si je veux croire que nous vivons dans un monde où nous pouvons être tellement plus que des enveloppes corporelles, je sais que le fait d’être physiquement beau/belle semble toujours prendre beaucoup de place.
On peut lire que les gens plus beaux ont de meilleurs emplois, de meilleurs salaires, sont considérés comme étant plus doués, sans même que nous ne les connaissions. Nous avons naturellement un préjugé positif envers les personnes qui ont une apparence conforme avec ce que la société valorise.
Mais en fait, qu’est-ce que c’est être beau/belle? Est-ce que ressembler à des figures de magazines c’est être beau/belle? Nous savons tous que c’est impossible. Et c’est en espérant pouvoir ressembler à un être refait par ordinateur que nous dépensons souvent beaucoup d’argent. Les compagnies de produits divers s’enrichissent de notre mal-être. Moins nous nous trouvons beaux, plus nous serons tentés de consommer.
Je pense qu’il est possible, en tant que société, de changer nos standards. De cesser de tenter d’imposer des idéaux inatteignables. Des corps avec une forme physique impossible à obtenir, des visages dépourvus de toute imperfection. La beauté réside ailleurs. Dans l’unicité de tous. Dans nos défauts, nos imperfections, qui nous rendent uniques. Dans notre expressivité, notre discours. Par ce que nous dégageons. Et en fin de compte, nous dégageons ce que nous aimons. Nous parlons de ce qui nous tient à cœur, nous sourions en parlant de ce qui nous rend heureux, de ceux que nous aimons. Nous gesticulons en expliquant des théories qui nous intéressent. Ce qui nous passionne nous rend beaux.
Encourageons les gens à être passionnés, à parler de ce qu’ils aiment, de ceux qu’ils aiment. À rire, pleurer, s’extasier devant ce qui leur tient à cœur. Cessons de promouvoir les thés amincissants, les crèmes antirides, anticellulites, autobronzantes… Nous tentons de créer quelque chose d’artificiel qui ne peut pas exister. Créons du beau en nous. Et autour de nous.
J’espère un jour être en mesure de voir la vraie beauté chez moi, comme je la voie chez les autres. Je pense que nos traits, notre poids, nos rides… ne sont pas ce qui nous rend beaux/belles. Si nous pouvions cesser d’y accorder autant d’importance, nous pourrions voir la beauté tellement plus facilement.