– Je ne pourrai pas ce soir. Je ne feel pas. Je pense que je digère mal.
On dit que, pour les maladies mentales, on devrait traiter ça comme un bras cassé. Tu as un bras cassé = tu consultes. Tu ne te sens pas bien mentalement = tu consultes. Mais je ne suis pas entièrement down avec le concept. Le bras cassé, tu le vois, selon les radiographies, c’est palpable, c’est douloureux, tu mets un plâtre, ça te donne une raison de manger de la crème glacée pour déjeuner (en tout cas, c’est ce que j’exigerais en tant qu’éclopée), ensuite ça recolle, salut, bye. (Sérieux, j’aime tellement la crème glacée, l’été ça me coûte un bras, yo, la pognez-vous.)
Vous ne voyez pas ce qu’il y a dans ma tête. Je me fais mes propres radiographies, moi-même, pis god, j’aurais du prendre la physique au lieu d’économie familiale en secondaire 5. Dans ma tête, c’est palpable, parce que, personnellement, j’ai appris à vivre avec ça au quotidien. C’est douloureux? Des fois. Est-ce que je vis bien avec ça? J’essaie. Vous souvenez-vous de votre ami un peu lourd du CÉGEP, qui était toujours présent, peu importe quel party à vouloir crier « SHOOTERS » en dansant sur du Sean Paul, même si vous étiez à la bibliothèque? Ben c’est ça. Dans ma tête c’est un peu ce portrait-là. Comme avec le nabot du CÉGEP, j’ai appris à vivre avec l’indésirable. Il est là, je deal avec et shake that thing.
Mon corps est le haut-parleur de ma matière grise. C’est comme si parfois, mon cerveau essayait de m’envoyer des messages en mandarin, mais comme je ne parle pas mandarin, mon corps tente de se faire traducteur, mais disons un traducteur qui n’a pas fini son stage encore et qui n’est clairement pas un maître de la syntaxe. Un traducteur qui sait seulement commander une Sapporo au Buffet Chinois Mandarin à St-Léonard, mettons. La base. Extra spare ribs pour emporter s.v.p.
Mon cerveau est un buffet d’émotions complètement mixed up. J’ai appris à le prendre avec… des baguettes. Pis à bien doser. Mais des fois c’est trop. Est-ce que je suis poche? Non. Est-ce que je suis lourde et que je fonds en larme chaque fois que je suis pompette, no… des fois. Aucun rapport. Je ne suis pas une lâche, je ne suis pas une moins que rien, je suis MOI, qui apprends à m’écouter et qui a simplement fait le choix de s’arrêter quand c’était le temps. Genre, juste avant la 3e assiette de chow-mein au poulet. Maintenant je me stoppe à 2.
– Joanie, on se call du chinois?
– Je ne pourrai pas ce soir. Je ne feel pas. Je pense que je digère mal.
Oui je digère mal. Mon corps me parle dans une langue étrangère. Pourtant en français, c’est simple. Ce que je vais maintenant dire : « Je ne pourrai pas ce soir. Je ne feel pas. Je fais beaucoup d’anxiété et je me questionne beaucoup présentement, je vis une grande période de stress, donc je vais rester tranquillement à la maison. Pis je vais prendre aussi quelques semaines pour moi. Parce que je m’aime assez pour ça, mon bonheur avant tout. »
À partir de maintenant, je veux simplement être bien, et ce, à volonté.