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Mon genre à moi

Auteur: Isabelle Pépin
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Mon genre à moi
Crédit: Photo by Martino Pietropoli on Unsplash

Les gens qui me connaissent bien savent que je me pose des questions sur énormément de trucs. En effet, beaucoup de choses qui peuvent sembler assez simples sont ambigües pour moi, surtout lorsque l'on aborde les normes sociales. Le féminin et le masculin font partie de ce dédale. 

Un jour, une connaissance m'a déjà dit que j'étais la personne la « plus féminine » de notre groupe d'ami.es. J'étais étonnée, sérieusement. Je ne savais pas que j'étais féminine. D'après ses dires, cette personne voulait dire par là que j'avais un corps qui « correspond aux normes de beauté féminines ». Certain.es pourraient me dire que je n'ai pas à me plaindre, que c'était même un compliment, mais moi j'avais une belle constellation de points d'interrogation dans la tête : le terme féminin reste pour moi très vague. 

Quelques mois plus tard, j'ai pris un cours en anthropologie qui s'intitulait « Hommes, femmes : constructions culturelles ». La personne qui donnait le cours affirmait qu'elle n'était pas d'accord avec le titre qui était attribué : pour plusieurs sociétés non-occidentales, le genre dépasse la simple notion de binarité. En revanche, le terme « construction culturelle » était très approprié, puisque le genre d'une personne se construit dans le temps et n'est pas à voir comme quelque chose de fixe. 

Apprendre que le genre est un spectre vaste plutôt que deux identités à proprement parler est encore une chose toute récente pour moi. Cela m'a fait réfléchir sur ma propre personne, mais également sur la perception des genres dans notre société. 

Je m'identifie comme femme. Je n'ai jamais vraiment remis cela en question. Pourtant je me sens très neutre dans mon expression de genre, qui est à des kilomètres de ce que j'ai entre les jambes. Je porte des jupes et des robes, mais cela ne me fait pas sentir féminine. Cela me fait plutôt sentir comme un individu de l'espèce Homo sapiens qui aime porter des jupes et des robes. Je porte également des vêtements avec un charmant « men » écrit à quelque part sur l'étiquette ou à même le tissu et ça ne me fait pas sentir plus virile quand je les porte. 

Bien sûr, je sais que le genre n'est pas qu'une question de linge. N'empêche que ça représente bien les attentes sociales; une section pour les femmes et une pour les hommes dans la plupart des magasins, bien que techniquement rien ne nous empêche d'aller chercher ce qu'on aime dans les deux.

Là où je me perds réellement, je dois l'admettre, c'est plus lorsque l'on parle d'« attitude féminine » ou « masculine ». C'est lorsqu'on me dit des choses comme « la sensibilité est un trait féminin » ou encore les traditionnels « les hommes sont comme ceci, les femmes sont comme cela ».  Déjà, être sensible, c'est quelque chose de vaste en termes de signification. Cela ne se limite à décrire une personne qui pleure facilement lorsqu'elle est émue, cela peut également décrire une personne qui a des tendances à la colère et à l'agressivité, choses qui sont très associées à la masculinité. Ces associations sont courantes, mais ne sont pas fondamentales. 

Je vois régulièrement des commentaires enragants dans lesquelles les personnes non-binaires sont jugées comme étant des personnes qui ne « s'acceptent pas comme elles sont ». Elles sont même parfois accusées de se battre afin de supprimer des catégories pour ensuite en créer de nouvelles. Je crois que le genre peut être catégorisable. En revanche, le nombre peut varier énormément selon les personnes et les institutions. Plusieurs préfèrent enlever cet aspect « catégorie » et mettre l'emphase sur la liberté de l'expression des genres. Il n'y a pas vraiment de mauvaise réponse pour moi : la chose avec laquelle je suis en désaccord, c'est le nombre de stigmatisations dégueulasses que j'ai pu observer lorsqu'une personne est jugée « incohérente » à son genre. Peu importe lequel. 

Trois choses pour moi sont sûres :

– Je trouve plus simple de voir les genres à l'intérieur d'un large spectre plutôt qu'à travers un éclatement entre deux identités séparées. Cela laisse beaucoup plus de place à la subjectivité.

– Je ne vois pas le féminin et le masculin comme étant des oppositions, mais plutôt comme des concepts à l'intérieur d'une immense variété, généralement désignés comme étant des normes dans les sociétés.

– S'interroger sur son identité de genre c'est correct à n'importe quel moment dans une vie. Ce n'est pas nono, ni une perte de temps. Ça sonne mignon, mais il n'y a aucune limite d'âge pour se questionner, expérimenter, apprendre. Le terme gender questionning désigne même une identité de genre à part entière. Ce n'est pas un terme pour désigner celleux qui ne savant pas se décider, mais simplement des personnes qui recherchent, qui s'informent, qui expérimentent sans pour autant d'avoir l'objectif d'aboutir à une finalité.

Pis c'est correct.

 

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