Je ne peux me résoudre au fait que ce projet de loi sur laïcité prendra forme. Je ne peux me résoudre à ce qu’on fait vivre comme discrimination aux immigrants qui viennent ici.
Je vous partage des lettres sous forme de témoignages de différentes collaboratrices de TPL qui comme moi, ont du mal à avaler la pilule de cette réalité.
« Dans un de ces spectacles, Louis T souligne qu’il y a 3% de musulmans au Québec et que cette proportion est également celle des Hollandais au Québec, en nous demandant brillamment si nous nous sentons envahis par les Hollandais. Ça met quand même en lumière le ridicule de la chose concernant la discrimination injustifiée des musulmans… Si 3% c’est le pourcentage de musulmans, imaginez alors la proportion de femmes musulmanes et maintenant, de femmes musulmanes qui portent le voile! Nous sommes donc en train, entre blancs, de décider qu’à peu près 1% de la population devrait être contraints à ne pas porter ce qui nous offense nous, par pure ignorance. En tant que femme, je trouve profondément dégueulasse qu’un homme blanc à la tête d’un parti politique (pour ne pas le nommer, t'sais), entouré de ses bons vieux chums blancs, décide pour vous mesdames ce qui est acceptable d'être porté au Québec même s’il s’agit d’un signe religieux! Que l’état soit laïque c’est une chose, mais qu’une loi de la sorte n’affecte qu’une mince minorité de personnes en les obligeant à quitter leur emploi, c’est inhumain à mon sens. Effectivement, ce dirigeant a suggéré aux personnes concernées d'aller travailler dans un autre domaine. Belle idée M'sieur! Au Québec, on se dit ouverts et accueillants. Certains semblent avoir l'accueil conditionnel en tout cas. Accueillants à condition que vous deveniez des copies conformes de nous on dirait bien, sinon c'est chow-bye. J’ai honnêtement honte du Québec que je vois dernièrement et ça me fait mal. J’ai honte de notre ignorance, de notre fermeture, de notre insensibilité et de notre xénophobie à peine déguisée. En terminant, j’aimerais vous dire que vous n’êtes pas seules, mesdames, je vous envoie du courage, je vous témoigne ma profonde tristesse et je vous appuie sincèrement! »
« Je vis avec un Libanais de confession chrétienne orthodoxe. Bien qu'il soit blanc et chrétien, mon chum vit énormément de préjugés. Malgré tout son bagage professionnel, ses diplômes et la rigueur dont il fait preuve tous les jours, se trouver une job décente aura pris 5 ans. Mon homme, c'est un homme fort et persévérant comme j'ai rarement vu dans ma vie. Je l'ai vu aller à des dizaines d'entrevues, dont quelques-unes dont il est revenu clairement blessé. Il ne l'a pas dit de cette façon parce que culturellement, il a appris à ne pas démontrer de moment de fragilité, mais une fois, il a éclaté de colère et s'en sont suivi deux larmes. Tout ça pour un nom de famille arabe et tous les préjugés qui viennent avec. Mon chum parle trois langues, a quitté le Liban à 21 ans et a voyagé toute sa vie pour le travail. Il est ouvert sur le monde et pourtant, il se frappe souvent au mur de : « les Arabes sont tous pareils. » Genre mon chum se fait dire des bêtises comme : « ah t'es libanais. Ok je connais, mon voisin est algérien. » Certain.e.s ne savent pas s'ouvrir sur le reste du monde et sont tellement xénophobes. Quand mon chum se fait traiter comme ça, j'ai honte de mon Québec qui ne veut pas respecter ses citoyen.ne.s tel.le.s qu'ils.elles sont, parce que c'est notre richesse. Je suis 3e générations d'Irlandais, quand mon arrière grand-père est arrivé ici en bateau, il est venu contribuer à ce beau pays, mais il a beaucoup souffert d'être un étranger. Moi et mon conjoint essayons d'avoir un enfant et je TIENS ABSOLUMENT à ce qu'ils portent son nom de famille. Je me tiendrai forte debout aux côtés de mon homme immigrant et de mes enfants métissés. Parce que mon Québec, je le veux INCLUSIF. J'suis fâchée. »
« Mes chères sœurs, oui sœurs. Je crois fermement qu’entre femmes, nous devons nous soutenir et que nous formons une chaîne plus forte lorsque nous sommes solidaires. Si vous saviez à quel point je suis sans mot devant tant de fermeture et de racisme de la part de notre gouvernement et notre province. Sans mot de rage, de peine, d’incompréhension. Votre voile et vos croyances vous appartiennent, et ceux-ci ne font pas de vous des personnes moins douées dans votre travail ou dans vos vies. Vous ne faites pas moins partie de notre province parce que vous avez pris la décision de porter vos signes religieux. Je suis désolée que notre gouvernement élu vous fasse sentir comme si vous deviez choisir entre vos croyances et que vous n’êtes qu’un stratège pour avoir gagné des élections. Je suis désolée que notre gouvernement élu utilise la laïcité pour cacher le racisme et la xénophobie latente des Québécois.e.s. Je tiens votre main dans la mienne en vous défendant des manières que je peux et en étant solidaire à vous. Vous êtes resplendissantes d’intelligence et d’intégrité et je le sais. Je crois en vous et votre histoire. »
« Moi-même fille d'immigrants, je me rends à l'évidence : nos droits sont en train de s'effriter. La xénophobie et l'islamophobie sont bien présentes chez nos élites politiques québécoises. À cause de cela, les personnes qui nous haïssaient tout bas se permettent de plus en plus de le faire tout haut. À celles qui ont cessé de porter le hijab par crainte, je vous comprends et vous soutiens dans votre décision. Je déteste que vous ayez à le faire pour vous sentir plus en sécurité. À celles qui continuent de le porter, je vous comprends et vous soutiens dans votre décision. Je déteste que cela vous mette plus à risque de violence et de discrimination. Je refuse que vous perdiez accès à certains métiers en raison de l'expression de votre identité, de vos croyances. Il n'y a pas de Nous sans vous. J'ai peur avec vous, j'ai mal avec vous, je joindrai ma voix à la vôtre, j'ai mal à notre liberté, cette histoire n'est pas terminée. »
Pour un récit différent sur le port du voile, c'est ici. Si vous êtes chercheur ou étudiant universitaire, vous pouvez signer une lettre contre le projet de loi du gouvernement en écrivant à cette adresse : criec@uqam.ca.