En automne 2015, alors que j'allais avoir 16 ans, j'ai publié sur Facebook mon tout premier texte abordant des enjeux qui me concernent directement : la santé mentale, l'image corporelle, la haine de soi, les pressions sociétales.
À ce moment, bien que j'adorais l'écriture et que ma plume était l'une des choses que je préférais chez moi, je ne savais pas encore que celle-ci toucherait tant de gens et que je recevrais plusieurs messages me remerciant de parler de ces problématiques sans tabou. En effet, plusieurs personnes m'ont écrit pour me dire à quel point elles me trouvent courageuse de parler publiquement de mes difficultés et de lutter contre l'oppression, la discrimination, les stéréotypes et jugements qui peuvent en découler. À chaque fois, je dis merci, humblement et infiniment reconnaissante d'avoir pu faire ne serait-ce que la plus petite différence dans la vie de quelqu'un.
D'ailleurs, je suis certaine que si l'on questionnait ceux et celles qui me lisent fréquemment et qui m'écrivent sur la manière dont je vis mes enjeux en santé mentale, ils répondraient que ce n'est pas un problème majeur pour moi, que je suis résiliente et que j'arrive toujours à m'en sortir et à en inspirer d'autres.
En effet, j'ai toujours réussi à m'en sortir, mais pour être complètement honnête, il y a bien des choses que même moi, fervente activiste pour les droits et la visibilité de ceux et celles qui souffrent de maladies mentales, n'ai pas partagées. Ni sur les réseaux sociaux ni aux gens dont je suis le plus proche.
Moi aussi, j'ai honte parfois.
J'ai honte quand je suis sur le bord des larmes devant un repas aux portions adéquates : « c'est juste de la nourriture, c'est stupide d'en avoir si peur! »
J'ai honte quand j'ai des pansements un peu partout sur les bras parce que je me suis automutilée récemment : « il existe des alternatives, pas besoin de se maculer les bras déjà pleins de cicatrices! »
J'ai honte quand j'annule mes ami.e.s à la dernière minute, puis quand je n'arrive pas à remettre un article que j'ai promis, j'ai honte de dire que la dépression est trop forte pour que j'arrive à me mobiliser : « même pas capable de se forcer et de faire comme tout le monde, encore une fois ! »
J'ai honte quand je suis en boule dans ma salle de bain, les cheveux mouillés et complètement nue, à m'assaillir d'injures silencieusement : « pathétique! Incapable! Ingrate! »
Moi aussi, j'ai honte parfois. Bien plus souvent que celleux qui m'applaudissent ne peuvent se l'imaginer.
J'ai honte quand ce n'est pas inspirant, quand même ma plume me méprise.
Autant qu'écrire est ma façon à moi de laisser une trace ou encore de crier ma joie et ma souffrance à l'univers bruyant dans lequel on vit, autant que moi aussi, j'ai honte parfois.