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J’aurais voulu être une artiste
Crédit: Unsplash

J’ai pris l’habitude, avec les années, de faire des bilans à chacun de mes anniversaires. Un peu inconsciemment, comme si chaque fois je fermais un chapitre pour en commencer un autre. Parce que les jours s’enchaînent si rapidement, les anniversaires me rappellent que le temps a passé, que je deviens de plus en plus vieille et que l’insouciance de mon adolescence est de plus en plus loin, de plus en plus floue dans mon vaste paysage. Les expériences s’accumulent, les souvenirs aussi. Mais j’ai réalisé, cette année, que mes rêves, eux, ont été négligés. Et je me suis demandé pourquoi.

Quand j’étais petite, on m’a demandé cent fois ce que je voulais faire « quand j’allais être grande ». Et j’ai toujours donné une réponse raisonnablement acceptable pour les « grandes personnes » parce que j’avais compris qu’autour de moi on encourageait les jobs stables, sécuritaires et reconnues. On m’a si souvent dit que les artistes risquaient de vivre dans la misère que je me suis mis à avoir honte de rêver d’en être une. Pourtant, je cultivais, en secret, des plans plus originaux que je ne le laissais paraître : devenir rédactrice en chef d’un grand magazine, écrire et illustrer de magnifiques livres pour enfants, vendre des tableaux aux quatre coins du monde, même développer ma propre ligne de vêtements. Chouette, vous direz? Oui, mais non. Parce que je n’ai encore rien fait de tout ça. Je n’ai même rien fait pour m’en approcher concrètement. Et plus je vieillis, plus ça me rend triste.

Je ne pense pas être la seule à avoir déposé mes rêves d’adolescente sur une tablette. L’âge, les études et les expériences de vie nous amènent souvent à suivre des chemins plus tapés et à éviter la brousse en bordure de route. Autour de moi, on a choisi des métiers traditionnels sans trop se poser de question. J’ai fait pareil. J’ai suivi le sens de la route raisonnable parce que « je serais tellement bonne là-dedans »…

En y réfléchissant, je réalise que, petite, on m’a si souvent rappelé que j’étais introvertie, gênée et discrète que j’ai fini par croire que je ne pouvais pas être autrement. Et j’ai commencé très tard à sortir de cette coquille, à me détacher de cette étiquette scotchée à mon front, ce qui fait que je m’étais déjà engagée dans une voie assez standard. Puis, plus tard, les membres de mon entourage que j’admirais m’ont convaincue que je devais changer plusieurs aspects de ma personnalité pour arriver à atteindre mes buts. Que je devais être plus comme ci, moins comme ça, que je n’y arriverais pas sinon. À force d’essayer de changer, j’en suis venue à ne plus savoir qui je voulais réellement devenir, ce que je voulais réellement faire. Ça a semé le doute dans mon esprit, un doute qui a grandi et m’a insécurisée. 

J’en suis donc venue à avoir peur de me tromper, peur de faire les mauvais choix, peur de ne pas réussir. La peur du risque a pris plus de place que le goût de foncer. Parce que c’est effrayant de se lancer. Plus on attend avant de sauter, plus c’est difficile.

Aujourd’hui, j’essaie de voir le saut différemment, de me convaincre que j’ai le droit de faire ce que j’aime, que j’ai le droit de me lancer et de me tromper. C’est un dur travail, qui demande du courage, mais je sens de plus en plus l’urgence de le faire. Je réalise qu’avoir le courage de ses rêves signifie surtout passer par dessus ce que les autres disent, suggèrent et pensent même s’ils sont souvent bien intentionnés. Qu’avoir le courage de ses rêves, c’est d’assumer qui on est, avec nos forces, mais aussi nos faiblesses et qu’il faut construire là-dessus sans pour autant essayer de changer. Parce que ceux qui se distinguent sont ceux qui s’assument et qui osent être eux-mêmes, qui se connaissent et, bien qu’ils écoutent les commentaires des autres, en prennent et en laissent pour tracer leur propre voie. 

Alors ne reste plus qu’à prendre les rêves qui sur la tablette et à souffler très fort la poussière qui les ternit pour les faire briller à nouveau. Qui d’autre me suit?

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