Je viens de revoir une amie de longue date. C'était le genre de soirée où l'on boit trop, et où l'on se met à raconter toutes sortes d’anecdotes sur nos vies de couple, et surtout sexuelles. C'est toujours ces moments-là qui semblent indiquer le niveau de proximité que nous avons avec certaines personnes. Parler sexualité, c'est s'ouvrir sur un plan tellement personnel, mais tellement satisfaisant à la fois. C'est plaisant d'entendre les histoires des autres, se rendre compte que dans le fond, nous sommes normales.
C'est plaisant, mais ça peut aussi devenir un moment de malaise. Parce que partager le même parcours de vie avec quelqu'un ne veut pas dire que tu partages la même vision sur tout. On ne juge pas une personne sur sa vie sexuelle, sur son intimité. Et pourtant, j'ai senti se creuser dans notre amitié un abîme, où toutes nos différences les plus viscérales ont été exposées.
Je ne prétends pas qu'on ait jugé mes pratiques sexuelles. Ça m'appartient et tout le monde s'en fout. Et loin de moi l'idée de stut-shamer mon amie. Au contraire, cela a suscité en moi une pression de la performance. Je dois dire que pendant ce bref moment de ma vie, j'ai tellement eu le sentiment d'être plate. Maudit que je me suis sentie plate. Plate parce qu'en comparaison à la mienne, sa vie sexuelle est loin d'être routinière. Aucune limite pour explorer jusqu'où elle et son conjoint peuvent aller pour s'épanouir au lit. Et puis moi… bien, je n'avais rien à raconter.
J'ai toujours dit que j'étais quelqu'un de sexuel, si on peut dire ça comme ça. Pourtant, j'ai eu ma première relation sexuelle assez tard. Mais ce n'est pas grave, parce qu'au final, j'ai eu le temps d'explorer mon corps et d'apprendre à me connaître. Quelque chose de tellement plus important. Mais il faut savoir que mon chum, ben lui il n'est pas full sexuel. C'est drôle parce que toute ma vie, on dirait que je suis toujours tombée sur des gars comme ça. C'est à croire que la fameuse théorie de « les gars veulent toujours du sexe » se révèle comme étant complètement fausse. Du moins, dans mon cas.
Mais sachons-le, quand tu n’as rien à raconter sur ta vie sexuelle, surtout devant tous les exploits que tu entends, on te questionne un peu. Qu'est-ce que je peux ajouter à cela? Ma vie est tout à fait normale. Nous sommes proches, nous avons une relation stable, pratiquement exempte de chicane. On s'entend bien, on s'aime. Mais le sexe, ce n'est que du sexe. J'aime ça, mais ça se termine là. Je n'ai pas besoin de réaliser une tonne de fantasmes pour être satisfaite. Et lui non plus. En tout cas, c'est ce qu'il me dit, quand je le questionne (parce que oui, on communique). On fait l'amour, on se détend, on se fait du bien. Pas besoin d'aller plus loin. Est-ce que ça fait de nous des gens plates? Peut-être.
Peut-être que ça revient à tous les questionnements que j'ai toujours eus sur mes amitiés. Sur quoi sont-elles basées? Toute ma vie, il me semble avoir dit que pour moi, les meilleures amitiés, c'est quand on partage les mêmes valeurs. Les habitudes sexuelles des autres ne devraient pourtant pas influencer une amitié. Mais j'ai cette pensée qui me reste en tête, ce petit sentiment qui m'a fait sentir comme une étrangère avec cette personne, cette amie. Comme si le fait que nous n'ayons pas les mêmes habitudes au lit en disait long sur notre compatibilité.
Mon constat? Mes amies les plus proches, ce ne sont pas celles qui me ressemblent le plus. Nous avons des personnalités bien différentes. Mais nous avons toujours parlé de sexe de la même façon. Si tout dans la vie tourne toujours autour du sexe, baser ses amitiés sur ce critère n'est peut-être pas si étrange que ça finalement. Du moins, c'est peut-être seulement vrai pour moi.