D’éducatrice à technicienne de garde : comment ma profession a changé d’orientation en quelques mois
Claudine GagnonJ’ai quitté le Québec au lendemain des élections. Et à ce moment-là, j’ai blagué un peu sur le fait que je partais pour 4 ans. Dans les faits, je n’en avais aucune idée. Aujourd’hui, la vie a décidé que mon retour se ferait rapidement. Et c’est non sans me faire peur, car je suis ce qu’on appelle, chez vous, une technicienne de garde. Alors qu’ici, en Colombie-Britannique, j’ai besoin d’une certification pour exercer ma profession, le gouvernement québécois ne me donne pas plus de reconnaissance que ça.
J’ai étudié 3 ans (Bon 2 ans, j’ai triché, car mon CÉGEP offrait le programme en intens(e)if!!) pour comprendre le développement de l’enfant de 0 à 12 ans, pour le guider du mieux que je peux et pour l’éduquer, lui apprendre à vivre en société. Je pense que personne n’est mieux placé que nous, éducatrices – oups, pardon, techniciennes de garde – pour comprendre la différence entre un enfant de 4 et de 6 ans et s’y adapter. Pour comprendre que le développement cognitif n’est pas complet à cet âge et qu’un enfant de 4 ans n’a pas la même capacité de raisonnement qu’un enfant de 6 ans. Les enseignants ne le savent pas, et je leur pardonne, car ils n’apprennent que le développement des enfants d’âge scolaire dans leur parcours, soit 5 ans et plus.
Il y a quelque chose qui me sidère depuis mon arrivée en Colombie-Britannique et c’est le recul qu’ils ont ici par rapport au Québec. J’en parle parce qu’on dit souvent « Quand on se compare, on se console ». Ici, et fort probablement dans de nombreuses provinces du Canada, le niveau d’accès aux services de garde est similaire à celui du Québec avant 1997. Avant la réforme qui a permis de créer des CPE, des services de garde en milieu scolaire et des milieux familiaux régis. Avant la création de places à 5$ 7$ 8,75$ je ne sais même plus combien elles coûtent aujourd’hui au fait! Ici, nous en sommes à peine à écrire un programme éducatif adéquat et adapté alors qu’accueillir la petite enfance, notre programme éducatif du Québec, évolue depuis 1997. Ici, une place en garderie coûte 100$/jour (voici quelques chiffres pour comparer), et ça c’est si vous avez la chance d’en trouver une. Alors oui, nous sommes chanceux au Québec, sauf que j’ai peur. J’ai peur parce que je l’ai vue, l’histoire, évoluer.
Ça fait partie de notre formation d’éducatrice – oups technicienne de garde (je ne m’y habituerai pas voyons!!) – que de comprendre toutes les étapes par lesquelles sont passées nos garderies. De comprendre ce qui fait de notre système de garde un système copié et admiré, non seulement dans les autres provinces, mais aussi ailleurs dans le monde. D’ailleurs, parlons de formation. J’ai eu beaucoup de misère à me faire reconnaître mes études ici, en Colombie-Britannique. Je me suis heurtée à de nombreuses portes closes et à de nombreux délais. Sauf que, quand j’ai finalement obtenu une certification digne de ce nom, avec ma seule formation d’éducatrice, on m’a accordé l’équivalent de deux spécialisations en sus. Comme quoi notre formation n’est pas si désuète que ça, malgré les dires de M.Legault.
Je parlais précédemment de notre fameux programme éducatif qui fait l’envie des autres provinces. Celui-ci est basé sur cinq principes de base. Un d’entre eux énonce « L’enfant apprend par le jeu » et c’est l’essence du débat actuel; laissons les enfants rester des enfants, SVP! Offrons-nous les moyens de dépistage à même les CPE existants, offrons à tous ces enfants défavorisés une place gratuite en CPE et ce, même avant 4 ans, pour leur assurer une chance de réussite. Mais de grâce, laissons-les jouer une année de plus!
Je reviens au Québec, un peu déçue de la tournure des événements, avec une boule de rage dans l’estomac. Et cette rage est alimentée par la certitude qu’après avoir comparé avec le voisin, notre gazon était plus vert et il le restera, croyez-moi!