Aller au contenu
Ma surdité et ses difficultés dont je n’ose pas toujours parler

J’ai 34 ans et j’ai une surdité de naissance sévère à profonde aux deux oreilles. Je porte un appareil auditif seulement à l’oreille droite puisque mon oreille gauche n’entend pas. Comme plusieurs personnes malentendantes intégrées dans le monde des entendants, je n’exprime pas mes besoins lorsque je me retrouve dans des lieux publics. Surtout lorsque je sais que je ne vais pas passer beaucoup de temps avec mon interlocuteur. Mon hésitation est due en partie à de mauvaises expériences, dont des moqueries que j’ai dû subir.

Les obstacles rencontrés par les personnes malentendantes dépendent de leurs niveaux de surdité. En ce qui me concerne, mes principaux défis se résument à converser dans un lieu bruyant, saisir de loin ce que dit un conférencier, un humoriste ou des acteurs lors d’un spectacle ou dans un film au cinéma, etc. J’ai aussi souvent l’impression que le service à la clientèle ne me prend pas au sérieux quand je mentionne ma surdité puisque j’entends et que je parle, surtout au téléphone où mes difficultés de compréhension sont triplées. Je préfère communiquer par courriel. C’est la même chose pour les interphones : j’ai besoin qu’on vienne me chercher dans la salle d’attente, car je ne réussis pas toujours à entendre mon nom s’il est nommé.

Juste pour vous donner une idée. Selon le dernier test d’audition que j’ai passé, j’arrive à distinguer 5 consonnes sur 16 sans lire sur les lèvres seulement avec mon oreille droite appareillée. C’est-à-dire que j’entends, mais que je ne comprends pas la base des mots. Ensuite, sur une liste de 25 mots, j’ai pu répéter un seul mot correctement et j’ai réussi à deviner 15 mots avec des choix de réponses. J’ai absolument besoin du contexte de la phrase pour comprendre. J’ai aussi plus de facilité à saisir un mot lorsque le son est plus fort. Finalement, comprendre une phrase sans lecture labiale dans le silence et dans des conditions idéales me demande 3/4 de mon énergie. Il me reste donc le 1/4 de mon énergie pour tout le reste : être à l’écoute, réfléchir, planifier une réponse, apprendre de nouvelles choses, etc.

Vers la fin de l’année 2017, suite à un épuisement professionnel et de communication, j’ai décidé d’accepter ma surdité en vue d’avoir un implant cochléaire. Auparavant, je me limitais à dire que j’étais malentendante, sans parler de mes défis quotidiens. J’avais peur du regard des autres. Depuis, j’ai fait beaucoup de chemin. Pour l’Association des personnes avec une déficience de l’audition, j’ai réalisé un sondage maison auprès de 128 personnes malentendantes dans le but de connaître leurs difficultés dans les lieux et les services publics. Ce travail m’a permis de rencontrer plusieurs personnes qui vivent les mêmes défis que moi et de me sentir moins seule. Et si j’écris ces lignes, c’est qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. La surdité est un handicap invisible, mais je ne me suis jamais sentie handicapée. En général, c’est plutôt la société qui me rappelle mes limites de communications.

 
Plus de contenu