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L’amour a laissé place à la violence
Crédit: Sydney Sims/Unsplash

Je ne crois pas qu’il y a une bonne façon d’amener le sujet dont je souhaite parler. La vérité, c’est que si je publie en Annie Nonyme, c’est parce que je tremble encore. La peur prend toute la place. La honte aussi. Ça y’en a beaucoup. J’ai dû mettre des mots sur ce que je vis depuis presque un an. Et ces mots-là, tu les lis. Tu les entends. Mais ils ne résonnent jamais aussi fort que quand il faut que tu les prononces toi-même. 
 
Je suis victime de violence conjugale.

Et comme d’autres femmes qui vivent cette situation, j’ai eu du mal à le réaliser. À l’admettre. Mais surtout, à l’accepter.
 
Ce qui était des chicanes et des engueulades bien ordinaires sont devenues des mots durs. D'une méchanceté sans nom. Vraiment horribles à entendre. Puis les mots sont devenus des cris. Et les cris, des gestes de violence. Quand c’est pas tous les objets autour de nous qui y passent, c’est moi qui deviens la cible. Je me suis fait pousser à en perdre l’équilibre. À me blesser. Il y a eu des ecchymoses aussi.
 
J’ai trouvé tellement d’excuses à ce qui m’arrivait. Je l’ai défendu aussi. Beaucoup. J’ai pris le blâme plus souvent qu’à mon tour. Si je n’avais pas dit telle chose. Si je ne m’étais pas emportée. Ce ne serait pas arrivé. J’ai utilisé la fatigue, le stress, l’argent … pas mal tout ce qui peut servir de coupable pour expliquer les gestes qu’il posait à mon égard.
 
La vérité, c’est qui n’en a pas de raison. Je suis pas pire qu’une autre. Je m’emporte comme tout le monde. De la patience, je n’en ai pas tout le temps. Mais j’ai finalement compris qu’il n’y a absolument rien de ma personne qui peut justifier cette violence-là. Les mots, les coups. Je les méritais pas.
 
Y a juste personne qui mérite ça. 

C’est ÇA le plus difficile. Comprendre qu’on n’est pas responsable de ça. Que c’est pas notre faute. Qu’on l’a pas cherché.
 
 Je me suis souvent demandé pourquoi les femmes qui étaient victimes de violence ne quittaient pas leur conjoint. C’était difficile de comprendre parce que je ne l’avais jamais vécu. Et puis, j’ai compris. La peur. La peur si immense que si tu quittes, ce sera pire. Et le pire, c’est pas les coups que tu as déjà eus.

C’est ceux qui ne sont jamais arrivés encore.

Faque, tu laisses une chance. Tu te dis que la thérapie, ça peut aider.
Mais j’ai compris que ça ne se change pas comme ça. Ça ne prend pas juste quelques mois de thérapie pour y arriver.  Ça prend des efforts. Du temps. Et du temps, j’en ai plus à donner. J’en ai plus parce que je vis dans la peur. La peur constante qu’il m’arrive la chose de trop.

Admettre que je suis victime de violence conjugale, ç’a été parmi les choses les plus difficiles que j’ai faites. J’ai tremblé et pleuré de tout mon être quand j’en ai parlé pour la première fois. J’étais terrorisée. Envahie par la honte. La peur de décevoir mes proches.
C’est d’autant plus difficile quand tout le monde parle de ton caractère. Quand on dit que tu n’es pas le genre de personne à se laisser marcher sur les pieds. Qui sait se défendre. Qui est féministe et engagée.

Ça clash sur un temps.
Et pourtant.
On laisse voir ce que l’on choisit de montrer.  

Si j’ai passé la dernière année et encore plus, les derniers mois, à me taper sur la tête et me demander comment j’avais pu me retrouver dans cette situation-là,  je réalise que je ne l’ai pas choisi. Je l’ai pas vu venir. Rien ne laissait présager que ça pouvait être comme ça.
 
J’ai compris que je suis en danger. Et que je dois m’aimer assez pour me sortir de là. Allez de l’avant. Me protéger. Me rebâtir aussi.
 
Et c’est exactement ce que je veux faire. Et mon commencement, c’est d’en parler. Parce que j’en ai fini de vivre dans la peur. De dormir avec un œil fermé et l’autre ouvert.

Je mérite le bonheur. De la douceur. Et beaucoup de calme.

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