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En finir avec le victim blaming : Une réponse à Denise Bombardier
Crédit: Unsplash/Andrei Lazarev

Ça me fait toujours drôle de lire un article qui blâme les victimes d’agressions sexuelles en 2018 (bientôt 2019, d’ailleurs). Je pensais – bien naïvement me direz-vous – qu’on était passés à autre chose. Mais non, Denise Bombardier est là pour nous rappeler que les mentalités n’évoluent pas toujours aussi vite qu’on le voudrait dans son récent article paru dans le Journal de Montréal.
 
D’abord, je n’arrive pas à croire qu’il faut encore le répéter, mais les agressions ne sont pas causées par les comportements des femmes. Elles sont causées par les agresseurs, et ce, dans 100% des cas. Aucune femme ne désire être agressée sexuellement.

Denise Bombardier semble toutefois convaincue que c’est aux femmes de prévenir leurs propres agressions. Plus facile à dire qu’à faire lorsqu’on sait que toutes les femmes font déjà absolument tout ce qui est en leur pouvoir pour ne pas être agressée. Parce que, je le répète, aucune femme ne souhaite être agressée sexuellement. Ce n’est pas tout à fait quelque chose qu’on ajoute à notre bucket list dans la vie, voyez-vous!
 
Elle affirme aussi que c’est le féminisme qui mène à la victimisation des femmes parce qu’il leur met dans la tête des faussetés. Et moi qui croyais que le féminisme enseigne simplement aux femmes qu’elles méritent le même respect, les mêmes droits et les mêmes opportunités que les hommes. Je ne vois pas trop où sont les faussetés là dedans… Peut-être qu’une certaine chroniqueuse au discours nocif pour la cause des femmes pourrait nous éclairer là-dessus ?

Selon elle, les féministes refuseraient d'ailleurs de se méfier et seraient complètement déconnectées de la réalité en s'abstenant de modifier leurs comportements pour éviter les agressions. Toutefois, contrairement à ce qu’elle semble croire, les femmes (et les féministes) ne sont pas déconnectées de la réalité ; elles sont très conscientes du monde dans lequel elles vivent. Demandez autour de vous – à vos amies, vos collègues, vos sœurs, vos cousines –  et vous serez forcé.e.s de constater que la majorité d’entres-elles, très conscientes du danger qui les guette constamment, ont même développé des stratégies pour se sentir plus en sécurité lorsqu’elles osent quitter le confort de leur foyer.

Plusieurs vont tenir leurs clés bien serrées entre leurs doigts, prêtes à se défendre. Nombreuses sont celles qui ont pris des cours d’autodéfense et d’autres vont faire semblant de parler au téléphone dans l’espoir de décourager quelqu’un qui voudrait les suivre. Un bon nombre d’entre elles vont refuser un verre offert à moins qu’il leur soit donné directement au bar et qu’elles aient pu constater avec certitude que rien d’illicite n’y a été ajouté. Des stratégies bien concrètes pour éviter des dangers desquels elles sont bien conscientes.
 
Bref, les femmes se protègent déjà ; elles savent se défendre et « faire attention ». Et ça ne change rien. Parce que 85,6% des victimes mineures et 68,3% des victimes majeures connaissent leur agresseur ; elles leur font confiance parce qu’il s’agit d’un proche ou d’un ami qui va tirer avantage de cette proximité. Aussi, deux tiers des agressions ont lieu dans une résidence privée et non pas dans une allée sombre. En bref, les femmes ne sont en sécurité nulle part ; même si elles savent se défendre et se battre ou même si elles se méfient et qu’elles sont lucides et prudentes. Le danger est présent même si elles gardent constamment l’œil ouvert; ce qu’elles ne devraient pas avoir à faire, soit dit en passant.
 
 Considérant que les femmes font déjà ce qu’elles peuvent, pourquoi ne pas, disons, se tourner vers le vrai problème : les agresseurs? Apparemment, Denise Bombardier croit que ce sont des comportements féminins spécifiques – comme « les minauderies, les jeux de la séduction et les audaces verbales et physiques » – qui provoquent les agresseurs.
 
Et s’ils n’avaient pas besoin d’être « provoqués »? S’ils étaient simplement habités d’une envie de faire ce qu’ils veulent, quand ils veulent, avec l’impression qu’ils ne se feront pas prendre ou condamner pour leurs gestes? Une impression d’ailleurs bien ancrée dans la réalité lorsqu’on sait que seulement 3 plaintes pour agression sexuelle sur 1000 vont se solder par une condamnation.
 
Si c’était plutôt la tendance de plusieurs – dont visiblement Denise Bombardier fait partie – à faire porter le blâme aux victimes plutôt qu’aux agresseurs qui était en fait en cause? Combinez cette tendance violente à un système judiciaire défaillant lorsque vient le temps de condamner les agressions sexuelles et vous donnez presque le feu vert à quiconque désire ignorer le consentement d’autrui pour son propre plaisir.
 
Qu’on arrête de penser que les agresseurs ont besoin d’être « provoqués ». Ils ont tout simplement besoin de vivre dans une société qui est encore incapable de leur faire subir les conséquences de leurs gestes. Comme la nôtre, en fait.
 
 
*Toutes les statistiques proviennent du site du Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS)

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