Ce matin, alors que je me suis lentement réveillée d’un week-end particulièrement débauché (c’est l’Halloween on en profite hein), j’ai pris le temps d’observer mon appartement et d’y apprécier tout ce qu’il contenait.
En faisant le ménage, j’ai également admiré ma collection de chaussures toujours grandissante, et j’ai ressenti une sorte de gratitude sereine. Jamais auparavant je n’avais pu accumuler quoi que ce soit, puisque ma vie n’arrivait jamais à se stabiliser. J’ai déménagé presque tous les trois mois depuis que j’ai 15 ans, en raison d’abord de conditions familiales difficiles, alors que c’étaient mes parents qui m’envoyaient chez l’un et chez l’autre comme un yo-yo, jusqu’à ce que les deux me mettent à la porte la même journée, quand j’avais 17 ans. Et alors ont commencé mes péripéties.
Montréal, Bas-Du-Fleuve, Outaouais, Montréal encore, Outaouais, Toronto, Montréal et finalement me voilà de retour dans ma ville natale, sans compter que j’ai continuellement déménagé de résidences dans chaque ville où j’étais.
Dans le vif de cette période, j’en suis venue à – en quelque sorte – idéaliser le chaos, je suppose par faute de choix. Je me disais que ce mode de vie m’avait appris à m’adapter et à me sortir de ma zone de confort. Je n’avais aucun chez moi, je pouvais être continuellement inconfortable et y trouver tout de même mon confort.
Toutefois, à la longue, ça pèse lourd. Ces expériences m’ont effectivement été assez utiles, surtout pour l’industrie du reboisement dans laquelle j’ai travaillé pendant quatre ans; travail saisonnier contribuant à mon état de perpétuelle nomade. Mais tous ces déplacements faisaient en sorte que je ne pouvais jamais rien bâtir. J’avais de la difficulté à avoir des amitiés durables, à développer des intérêts de façon sérieuse, à m’investir dans quelconque projet ou simplement à posséder la moindre chose, puisque le résultat le plus récurrent de mes déménagements est que je perdais tout en cours de route… devoir racheter, et toujours acheter à bas prix parce qu’on n’a nulle part où mettre un objet de valeur, ou nulle façon d’en prendre soin.
Avec le temps, je me suis lassée de toujours recommencer à zéro, de vivre de ces cycles où tous les efforts que je mets disparaissent inexorablement au bout de quelques mois. J’avais envie de belles et bonnes choses, et cette envie a éventuellement pris le dessus. Visiblement, vivre de cette façon n’était pas durable, j’allais me fatiguer un jour et je pense bien que ce jour est arrivé.
Depuis, j’ai déménagé en appartement, je suis retournée aux études et j’ai repris plusieurs bonnes habitudes tout en m’investissant dans certains intérêts. Et je regarde mes souliers, mes vêtements, mon maquillage, mon set up de gaming à 2 500$, mes livres, mes oiseaux et tout ce que je possède désormais… et ça me fait chaud au cœur, comme si je ne m’étais jamais permis le confort et que je me le permettais enfin. J’y goûte et j’y plonge avec plaisir. Bien sûr, je fais mon possible pour ne pas non plus tomber dans le matérialisme; comme pour tout dans ma vie, je m’évertue à trouver l’équilibre, le point central déterminant la personne que je veux être.
Mais je crois que je peux entièrement et sans culpabilité me permettre de profiter de la fierté que me procure mon chez-moi, ce nid douillet que j’ai pris tant d’années à trouver et construire, car justement il est le résultat d’un long processus, de beaucoup de difficultés et c’est ce qui me permet d’apprécier et de savourer cette nouvelle vie à sa juste valeur, sans tout prendre pour acquis. J’ai toujours cru que j’avais le cœur nomade et ce n’est pas totalement faux, mais je pense que toute aventure a besoin d’un point de départ et de retour et que la stabilité d’un foyer apporte un certain sentiment de sécurité nécessaire à l’avancement de soi. Pour sortir de sa zone de confort efficacement, il faut qu’en partant il y en ait une, zone où l’on se sent bien.