Récemment, nous avons célébré le 1 an du mouvement #metoo. Dans cette optique, plusieurs articles ont été publiés pour souligner cet anniversaire, emportant dans sa foulée une série d’opinions sur le sujet.
Et moi, je l’assume, j’ai fait une niaiserie. J’ai été lire les commentaires sous un de ces articles. Habituellement, je ne le fais jamais. Je sais quelle est mon opinion sur le sujet, et lire ceux des autres ne m’apportera pas grand-chose. Mais là, pour une raison obscure, j’ai lu les commentaires.
Un en particulier m’a frappé : « Ce qui me dérange dans le mouvement #metoo c'est qu'il ne suffit que d'alléguer pour détruire la vie d'une personne. Nul n'est besoin de faire la lumière sur lesdites allégations de sorte que la personne accusée se trouve dans l'impossibilité de se défendre afin de pouvoir réfuter les accusations dont elle fait l'objet. Désolé, mais ce n'est non seulement injuste, mais c'est un pouvoir que je me refuse à consentir à quiconque. Il faut le/la croire ne peut suffire. » S’en est suivi de plusieurs commentaires portant sur un sujet : la présomption d’innocence.
Bon. Ce fameux argument de la présomption d’innocence revient tellement souvent que je me suis dit qu’il valait bien la peine qu'on en parle, une fois pour toutes.
La présomption d’innocence, selon Éducaloi, c’est le droit de tout accusé durant un procès criminel. « Déclarer une personne coupable d'un crime ne doit pas être pris à la légère. C'est pourquoi la loi reconnaît aux accusés certains droits fondamentaux qui doivent être respectés jusqu'au moment où le juge (ou le jury) rend sa décision. Au Canada, une personne accusée d'avoir commis un crime est présumée innocente tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par un juge ou un jury. C'est ce qu'on appelle la "présomption d'innocence" ».
Au criminel, la personne qui accuse une autre personne d’un crime, ce n’est pas Jean Charles. Pour qu’il y ait une accusation formelle au sens de notre système de justice en matière criminelle, l’accusation doit être portée par la Couronne. C’est pourquoi dans tous les dossiers, la poursuite est au nom de la Reine.
Tout ça pour dire que si Josée accuse une certaine personne d’agression sexuelle ou d’harcèlement sexuel, elle ne contrevient pas tellement à la présomption d’innocence. « L’accusé » n’en est en fait même pas encore un au sens de la loi. La présomption d’innocence cherche à protéger tout accusé qui traverse un procès criminel.
Je peux comprendre, à vif de même, qu’on se demande comment ça se fait qu’on puisse « accuser » ouvertement sur la place publique une personne de délit sexuel, et ainsi dévoiler au grand jour cette personne et ses actes, au risque de plusieurs conséquences.
Mais quand on regarde les statistiques, on comprend pourquoi plusieurs personnes décident d’opter pour la scène publique plutôt que les méthodes conventionnelles, soit d’aller dénoncer à la police.
Selon un article de Radio-Canada du 16 mars 2018, « Près de trois personnes sur quatre (77,13 %) qui déposent une plainte de nature sexuelle à la police ne verront pas leur présumé agresseur se faire accuser formellement. Une seule de ces quatre personnes poursuivra le processus jusqu'en justice où l'accusé sera condamné ou libéré. ».
Vous êtes probablement familiers avec cette figure tirée du magasine l’Actualité, qui s’était basé sur les résultats de l’Enquête sociale générale sur la victimisation (2014) et le Programme de déclaration uniforme de la criminalité de Statistiques Canada.
On se rend compte assez vite que sur la quantité d’agressions sexuelles rapportées, un très faible nombre sont déclarées à la police, et que surtout, sur toutes celles déclarées à la police, un très faible nombre mènent réellement à des accusations.
Je pourrais y aller de diverses explications sur comment ça se fait que les victimes d’agression sexuelle obtiennent difficilement justice, mais ce n’est pas le point ici.
Si on considère que seulement entre 2% et 8% des plaintes d’agressions sexuelles sont fausses, on vient de faire un tour considérable avec toutes ces belles statistiques.
On me sort la présomption d’innocence sur des individus accusés d’agressions sexuelles. On me dit que leur vie peut être détruite par les fausses accusations. On me dit que c’est injuste que les personnes utilisent ainsi les réseaux sociaux pour blâmer leurs agresseurs et se rendre justice elles-mêmes.
Mais entre vous et moi, les statistiques parlent d’elles-mêmes. Oui il y a entre 2 et 8% d'exception, mais je crois que les personnes qui crient à l’aide sur les réseaux sociaux ou sur toute autre plateforme publique méritent de se faire entendre, et méritent qu’on ne discrédite pas du premier regard leurs propos.
Je pense plutôt qu’il serait temps de cesser les excuses, et de commencer à prendre en main ce fléau qui ne peut plus être évité. Le #Metoo a ouvert la voie aux victimes qui pendant de nombreuses années se sont fait taire. À nous d’au moins les écouter.