Lundi dernier, j’ai eu la chance d’assister à la première du nouveau film de Xavier Dolan au TIFF. Et non, je n’ai pas d’ami.e.s famous, j’ai juste payé 40$. La salle était comble de Québécois.e.s, de Français.e.s, d’Américain.e.s réuni.e.s pour acclamer le prodige de 29 ans qui signait sa septième réalisation.
C’est un Dolan légèrement nerveux qui a lu, en introduisant son œuvre, la lettre qu’il avait envoyée à Leonardo DiCaprio du haut de ses cinq ans. Que serait-il arrivé si l’acteur lui avait répondu? Voilà l’interrogation devenue le point de départ du long-métrage The Death and Life of John F. Donovan.
Malgré tout ce que les critiques ont pu dire sur le film dans les derniers jours (critiques que je n’ai moi-même pas lues tout de suite pour ne pas teinter mon opinion), je vous assure qu’il s’agit en fait d’une œuvre, certes, parfois maladroite, mais surtout empreinte d’une honnêteté rarement égalée dans les productions d’une telle ampleur. Le film venait de s'achever, déjà, j’étais certaine qu’il deviendrait culte.
Débarrassons-nous des moments qui m’ont laissée perplexe, d’abord. Être impatient.e que la fin d’un film arrive est rarement bon signe : malgré ses dernières minutes magnifiques, The Death and Life of John F. Donovan s’étend sur beaucoup trop de temps. Dolan explique tout (tout, tout). Au plaisir du grand public et au grand dam de ses fervent.e.s amateur.rice.s, il ne laisse aucun mystère. Surprenant, car les œuvres du réalisateur ont en commun des finales assez précipitées et poétiques (pensons à Antoine-Olivier Pilon et sa destruction d’une fenêtre de l’aile psychiatrique avec Born to Die en background, par exemple).
Ayant personnellement visionné tous les longs-métrages du réalisateur, j’observe dans cette seconde tentative outremer, une réelle progression. Si les critiques étranger.ère.s s’attendaient à entendre la voix de Xavier Dolan s’élever au-dessus de celles des autres pour devenir LA voix d’une génération, c’est certain, on peut parler d’une déception. Mais pour ceux qui suivent le réalisateur depuis un moment, The Death and Life of John F. Donovan n’est certainement pas en discorde avec le reste de la filmographie du Québécois.
Au contraire, voir quelques-uns des plus grands noms d’Hollywood (Susan Sarandon et Natalie Portman) imiter à leur tour l’archétype maternel dolanien, assurément, nous donne un malin plaisir. Peut-on même parler d’un hommage au cinéma d’ici? Je suis prise d’un déjà-vu lorsque Kit Harington, prisonnier d’un mensonge hétérosexuel, retrouve sa famille dans un décor kitsch ; il ressemble drôlement à Marc-André Grondin dans le joyau québécois C.R.A.Z.Y.. On peut donc affirmer que Xavier Dolan est resté authentique lors de ce pas effectué vers le cinéma hollywoodien : autant pouvons-nous lui reprocher, autant pouvons-nous le féliciter de ne pas avoir tenté de dissimuler sa vraie nature.
Rappelons-nous que Dolan avait lui-même financé sa première réalisation J’ai tué ma mère, en 2009. Multiplions ce budget de départ fois mille, conservons un imaginaire semblable et on se retrouve avec une multitude de fantasmes grandioses, mais non aboutis. Le film n’est certainement pas mauvais, il est au contraire parsemé de scènes tellement insanes qu’on aurait voulu en voir plus.
D’ailleurs, soulignons quelques-uns des éclats de génie du réalisateur, à ne surtout pas sous-estimer. Notons qu’il est difficile d’être constant et de faire un film à tendance égale alors que ses premières minutes sont autant satisfaisantes. Dès le départ, on plonge direct dans une revue Star Système fictionnelle des débuts 2000 : des gamines folles d’amour qui crient à tue-tête en voyant John F. Donovan débarquer dans un événement mondain (comme d’autres l’ont fait avec Leonardo, il n’y a pas si longtemps), des shootings photos trop chargés, l’atmosphère des clubs new-yorkais à l’époque de Sex and the City. Plus tard, quand la trame narrative est sur le bord du climax, on a droit à la Chute de l’Empire de la vie privée, à la Britney Spears en 2007. #ScèneInsane
Quand un spectateur a demandé à Dolan, suite à la projection, qui, entre les personnages de Jacob Tremblay et Kit Harington, le représentait le plus, il répond sans hésiter : Tremblay. Une scène épique dans laquelle le jeune homme HURLE en regardant une série télé inventée (à l’image de Buffy contre les vampires ou Le Loup-garou du campus) confirme cette authenticité autobiographique. Tous les moments où le jeune acteur se trouve à l’écran sont tellement gold et purs, j’ai hâte que tous.tes y aient droit.
En bref, celleux qui ont été inspiré.e.s et profondément marqué.e.s par le début des années 2000 (des années progressistes, mais toujours pas assez, lorsque l’on pense à la représentation LGBTQ+), ceux qui ont été fasciné.e.s autant que traumatisé.e.s par la couverture médiatique grandissante des célébrités, pourront trouver leur compte dans The Death and Life of John F. Donovan. Car nous n’avons pas affaire à un mauvais film, mais plutôt, à une vision incomprise et un tant soit peu trop ambitieuse.