J’ai été victime d’une agression sexuelle quand j’avais 6 ans et je vais porter plainte
Annie NonymeTW : Pédophilie – Ce texte parle d'abus sexuel sur mineur.
Quand j’avais 6 ans, un cousin par alliance, qui était un jeune adulte à l’époque, m’a choisie comme proie. À plusieurs reprises, il s’est donné le droit de me faire des attouchements sexuels.
Aujourd’hui, 20 ans plus tard, j’ai décidé de porter plainte contre lui. Et on peut dire que je suis en criss. Une colère noire. Le genre de colère qui a pris de la puissance à force d’être ignorée, remise en question et minimisée pendant trop longtemps.
Pourquoi ne pas avoir porté plainte plus tôt? Le fait d’avoir vécu cette agression pendant mon enfance ajoute énormément de confusion à l’affaire. Quand les évènements se sont produits, j’aimais beaucoup le cousin en question. Et quand je lui ai demandé d’arrêter de me toucher, parce que ça me faisait mal, il l’a fait. Je pensais que j’avais participé de mon plein gré à ce qui s’était passé. Ma colère s’est réveillée tranquillement, au fur et à mesure que je comprenais ce qui m’était arrivé. Même après en avoir parlé à mes parents, j’ai mis du temps à réaliser l’ampleur des évènements… et de leurs effets sur moi. Quand je l’ai dit à mes parents, à l’âge de 10 ans, ils m’ont crue et m’ont soutenue. Ils ont aussi confronté mon agresseur, qui a tout nié. Mes parents m’ont dit que je pourrais porter plainte si je le désirais. Je sais qu’ils sont de mon côté, mais ils savent aussi que mon témoignage pourrait créer un immense fossé dans notre famille.
À bien y penser, je n’ai pas porté plainte pendant longtemps parce que je n’avais tout simplement pas l’impression que c’était une réelle possibilité. Mon agression a été passée sous un silence assourdissant dans le reste de ma famille. Certains oncles et tantes étaient au courant, mais faisaient comme si de rien n’était. J’ai croisé mon agresseur à beaucoup trop de fêtes familiales. Pendant quelques années, j’étais tellement en déni que j’arrivais même à le saluer avec un sourire. Je me pensais impuissante et j’avais fini par voir la situation comme « pas si grave ».
Plusieurs choses me poussent à porter plainte aujourd’hui. Il y a #MeToo, même si j’ai entendu peu de témoignages sur les agressions sexuelles ayant eu lieu à l’enfance. Il y a aussi le fait que je me sens plus forte mentalement que jamais. Je me fous royalement de ce que #LesGens (y compris ma famille) pourront penser de moi. Et puis il y a la chance que j’ai d’avoir des proches qui me soutiennent no matter what.
Mais ce qui me pousse à témoigner plus que tout, c’est une pensée qui revient me hanter quelques fois par an, depuis toujours : « peut-être qu’il continue de le faire à d’autres ». Une pensée que j’ai longtemps essayé de refouler, avec la plupart des souvenirs de cette époque. En creusant ma mémoire en thérapie, cette peur m’est revenue, plus forte que jamais. Avec la honte de n’avoir rien dit avant et d’avoir peut-être contribué par mon silence à la souffrances de ces « autres » hypothétiques. Je refuse maintenant de me culpabiliser pour ça, mais je suis prête à passer à l’action.
J’ai plusieurs craintes face à ce qui va se passer maintenant. Est-ce qu’on va me croire? Est-ce qu’il sera puni? Est-ce que je suis assez solide pour retourner vers ces souvenirs tous confus de fillette? En toute honnêteté, je ne sais pas dans quoi je m’embarque.
Mais je sais que j’en ai vraiment assez de l’impunité avec laquelle mon agresseur vit sa vie aujourd’hui. Je veux tout faire pour qu’il fasse face à la souffrance qu’il m’a imposée et qu’il soit hors d’état de nuire. Je ne veux plus jamais qu’il ose m'adresser la parole en souriant… en faisant comme si je n'avais aucune raison de le haïr de tout mon être.
J’espère que justice sera rendue, mais l’important pour moi aura été de dire quelque chose.
Pour m’aider dans ma démarche, je vais faire appel aux CALACS, centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Ils offrent des services de préparation à la déposition de plainte et peuvent aussi arranger une rencontre avec une policière dans leurs bureaux pour le dépôt de la plainte.
Souhaitez-moi du courage, j’en aurai beaucoup besoin.