Quand j’ai terminé mes études, il y a deux ans, je me suis retrouvée à devoir faire le choix entre quelques offres d’emploi. Une me semblait plus intéressante que les autres, mais elle ne correspondait pas à mon domaine d’étude. Cette offre me proposait beaucoup de tâches et de projets stimulants, avec beaucoup d’avancements et de possibilités d’apprendre. Elle venait de mon père qui a fondé sa compagnie il y a des années de cela et qui n’avait jamais eu le temps de faire du marketing.
J’étais vraiment excitée de commencer ce projet et de participer à l’évolution de sa compagnie. Et je pense qu’il était content de m’avoir à bord, une personne à qui il fait confiance et à qui il pourrait éventuellement léguer son entreprise. Les mois ont passé, et c’est devenu évident que mon père était essoufflé et n’avait aucunement le temps ni l’énergie de planifier les mille projets qu’il avait promis de faire avec moi. Oui, il y a eu quelques triomphes, mais rien pour me dire que je me lève le matin motivée et heureuse d’aller au travail. De bonne foi, j’attendais qu’il se déniaise pour pouvoir avancer, comme il doit donner un droit de veto sur tout.
Il y a quelques semaines, j'ai reçu un message d’une ancienne patronne pour une compagnie dans laquelle j’ai travaillé quelques mois pour un stage. À la fin de mon BAC, je rêvais de travailler là, mais il n’y avait aucun poste de disponible. On m'avait alors promis de venir me voler à un autre employeur dans le futur. On ne m’a pas menti.
Elle me proposait un poste qui, dès la lecture des tâches, me faisait triper. Je me vois dans ce rôle et dans cette entreprise. D’un côté, je suis vraiment honorée et folle de joie, mais de l’autre je suis remplie de culpabilité.
J'ai donc décidé d’aller les rencontrer, par respect pour eux et pour moi. Ce fut comme revenir à la maison. Ainsi, je suis actuellement en processus d’étapes de sélection pour le poste. Rien n’est dans la poche encore, mais chaque jour quand je vois mon père, je me sens mal. Et chaque jour, je n’arrive pas à croire qu’il ne voit pas la culpabilité et le malaise dans mon regard.
J’ai l’impression de le trahir. Mais je sais que je me trahirais moi-même si je n’acceptais pas le poste offert. Avenant que j’ai l’emploi, j’ai terriblement peur du moment où je devrai lui annoncer que je quitte sa compagnie, de l’impact que ça aura à l’interne, mais aussi dans mon tissu familial. Je sais aussi que si mon patron n’était pas mon père, mon propre père m’aurait dit de changer de job pour quelque chose de mieux pour moi. Ça me ronge aussi de ne pas pouvoir en parler à mes parents et qu’ils soient fiers qu’on soit venu me chercher pour un emploi. Je suis terrifiée à l’idée de perdre la relation excellente que j’ai avec mon père qui est pleine de complicité.
Je suis encore plus terrifiée de ne pas avoir l’emploi à l’autre compagnie, parce que je ne peux pas continuer à travailler sans passion et avoir l’impression de mourir à petit feu dans un emploi que j’aime plus ou moins.