Récemment, j’ai décidé de déclarer un moratoire sur les hommes. C’est une petite expérience que j’ai décidé de tenter après plusieurs réflexions.
Premièrement, j’ai récemment décidé de vivre ma bisexualité. Comme j’ai toujours été avec des hommes cis, cela veut dire pour moi de laisser libre cours à mon attirance envers les personnes d’autres genres. Cependant, j’ai réalisé que c’était très difficile dans notre univers hétéronormatif : les hommes sont beaucoup plus évidents dans leur flirt, ils sont plus directs et je reçois beaucoup d’attention de leur part. Même s’il y a des avantages à cela, cette situation fait en sorte que je finis par reproduire des patterns, que je reste en terrains connus un peu malgré moi, parce que c’est tout simplement ce qui arrive. J’ai donc réalisé que, si je voulais aller vers des gens qui ne sont pas des hommes, je devais me créer un espace pour ce faire, et que cela voulait dire de refuser certaines avances et même de m’imposer une pause d’hommes.
Deuxièmement, j’étudie dans un milieu très dominé par les hommes. Ils sont donc surreprésentés dans mon quotidien. Dernièrement, comme j’ai fini mon mémoire, j’ai vu beaucoup plus souvent des ami.e.s qui ne sont pas des hommes cis, et cela m’a fait beaucoup de bien. J’ai donc trouvé que de me concentrer sur mes relations qui ne sont pas avec des hommes cis était une belle manière de ramener un certain équilibre à ma vie sociale.
Comprenez-moi bien, je ne dis pas qu’il faille éviter les hommes en toutes circonstances. Je pense seulement que, vu les raisons que j’ai nommées plus haut, j’avais besoin d’une petite pause. Il faut aussi souligner que, peu importe les actions ou la bonne volonté des hommes pris individuellement, il demeure que nous vivons dans une société patriarcale, et qu’il subsiste bon nombre d’inégalités et de rapports de pouvoir qui ne peuvent pas se modifier du jour au lendemain. C’est dans ce contexte que s’inscrit ma démarche.
De quoi ça a l’air, un moratoire sur les hommes? J’ai fixé les termes selon mes propres besoins, mais bien évidemment, ils sont flexibles. En gros, je refuse d’avoir des dates avec des hommes cis ou d’être intime avec eux, et je priorise le fait de voir mes ami.e.s qui ne sont pas des hommes cis. Je ne refuserais pas de voir un bon ami, bien sûr, mais je veux vraiment faire en sorte que le ratio demeure assez bas. Ce qui s’est passé depuis cette décision, c’est que j’ai vu quelques hommes, mais généralement dans le cadre de sorties ou d’activités en groupe où il n’y avait pas qu’eux.
Après quelques semaines, je sens déjà des effets positifs. Ça m’a permis de mieux me recentrer sur moi-même et sur mes besoins, et de réaliser que mon éducation genrée me pousse souvent à trop essayer de plaire, particulièrement aux hommes, ou à prioriser leur bien-être, parfois au détriment du mien. Encore une fois, je ne pense pas que ce soit la faute de chaque homme individuellement, mais il y a des forces à l’œuvre qui font en sorte que les choses se passent ainsi. Passer du temps loin du male gaze a donc été bénéfique. Je me sens aussi plus reposée, plus indépendante, plus légère. Et ça, ça me fait beaucoup de bien. J'ai aussi compris beaucoup de choses sur mon orientation sexuelle, et que j'avais besoin de cet espace pour comprendre ces choses.
Bref, si vous sentez qu’une telle démarche vous ferait du bien, pour les raisons qui sont les vôtres, je vous invite fortement à tenter l’expérience : vous pourriez être surpris.e de ce qui en ressortira.