Je partage ma vie avec un homme qui a toujours raison. Pas comme dans « je connais tellement de choses et j’ai tellement d’intuition », mais plutôt comme dans « peu importe la chicane, peu importe la discussion, peu importe la situation, j’ai toujours raison ». Dans la vie, lorsqu’on est convaincu.e. que les autres ont tort, il arrive que l’on se choque. Souvent.
Je partage ma vie avec un homme qui est en colère. Il est en colère contre des choses qui nous révoltent tous : la guerre, les inégalités, la maladie, etc. Mais il est aussi en colère contre son ordinateur trop lent, contre les gens qu’il trouve idiots (il y en a beaucoup), contre les conducteurs qui ne roulent pas comme il faudrait, contre la porte du réfrigérateur ouverte trop longtemps, bref, contre tout ce qu’il ne contrôle pas. Et ça, souvent, ça inclut ceux et celles qui l’entourent. Ceux et celles qui l’aiment.
Quand je parle de colère, je ne parle pas ce cette colère qui nous touche parfois, pour toutes les raisons du monde, et qui fait que l’on déborde, naturellement. Je parle d’une colère qui frôle la rage, qui implique des jurons, des insultes graves, une voix menaçante, des yeux dangereux, parfois des jointures douloureuses d’avoir frappé une table, une porte, un mur.
J’ai donc appris à me méfier de toutes les situations qui pourraient déclencher un débordement. En tentant de limiter les écarts, d’étouffer tous les motifs, de rendre notre univers le plus paisible possible. Cet état constant de crainte, je vous le confie ici aujourd’hui, est excessivement épuisant. Ici, aujourd’hui, je le proclame, je suis brûlée.
Je ne vis cependant pas une relation dans laquelle je n’ai pas le droit d’exprimer mes désaccords. J’ai discuté des centaines (vraiment) de fois du climat que le comportement de mon amoureux crée dans notre maison. Des répercussions que ses cris et insultes auront dans le futur sur nous tous (je dis nous, parce qu’il y a moi, mais aussi des enfants). J’ai tenté à tellement de reprises de trouver des façons de mettre un terme à ce cycle. Mais ça ne fonctionne jamais. Parce que, je le répète : je partage ma vie avec quelqu’un qui a toujours raison. Et quand on a toujours raison, notre colère est toujours justifiée par les actions des autres. « Tu avais juste à agir différemment, je n’aurais pas crié. »
Je l’ai dit et je le redis, je suis crevée. Je suis lessivée de toutes ces fois où je dois ramer tellement fort pour que le calme revienne. Je n’en peux plus de ces malaises en public, de ces chicanes interminables, de ces discussions où je répète les mêmes choses, de mon amour qui est mis à l’épreuve beaucoup trop souvent. J’aime mon partenaire pour des raisons qui m'apparaissent évidentes, mais, pour des motifs tout aussi évidents, ce partenaire me brise.
Je lance donc un petit appel à l’aide, un minuscule cri du cœur, pas trop fort, pour ne pas le déranger.