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Coming out.

Aurélie Beaupré
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Coming out.
Crédit: Angel Videv/Unsplash

Je pensais que ça allait être rapide, comme quand on enlève un pansement. Je pensais que ça allait être un peu dur sur le coup et que ça allait être terminé pour toujours, que le bobo serait guéri. J’étais dans le champ, pas à peu près. Ce n’est pas rapide du tout, bien au contraire. On parle toujours du même bobo, caché sous le même pansement. Mais, cette fois-ci, au lieu de l’arracher d’un coup, on l’enlève tranquillement, juste pour être sûr de prolonger la sensation désagréable le plus possible.

On commence par déceler le bobo, le remarquer, le percevoir. Ça, ça peut être vraiment long. Pour certains, ça prend quelques mois, pour d’autres, des décennies. Certains ont vécu un événement qui a agi comme un élément déclencheur. Pour d’autres, cet élément déclencheur est leur naissance, ils l’ont toujours su. Je les envie beaucoup, car, ne pas savoir qui on est, se chercher constamment, c’est réellement drainant, tellement épuisant.

Avez-vous déjà eu un trou de mémoire à propos du nom d’un artiste, savoir ce qu’il a fait de sa vie et à quoi il ressemble, mais ne pas savoir qui il est? Maintenant, imaginez ce sentiment de frustration dirigé vers vous-même. Imaginez ne pas être capable de mettre le doigt sur qui vous êtes, sur votre identité. C’est un des sentiments les plus paniquants qu’on ait jamais ressentis. Ça ne nous quitte jamais, ça nous suit en permanence. Chez nous, quand on est seul dans notre lit, quand on n’arrive pas dormir jusqu’à ce qu’on se mette à pleurer. Alors, on s’endort doucement avec ce sentiment d’avoir un trou dans la poitrine, comme si quelque chose nous manquait.

À l’école, lorsqu’on essaie d’être de bons élèves et d’avoir de bonnes notes, d’écouter ce que le professeur a à raconter, lorsqu’on fait de notre mieux pour réussir, ça ne nous lâche pas. On se souvient tous d'être assis en classe et ne penser qu’à ça. On est continuellement hantés par ces pensées. On n’est jamais complètement concentrés, on part dans notre tête, dans nos questionnements.

On pense au passé, comme c’était évident! On pense à notre avenir et comment on va y parvenir. Quand on revient à la réalité, on a perdu la moitié des explications, ce qui ne nous amène qu'à atteindre que la moitié de notre potentiel et la moitié des points. Mais la peur, la solitude et l’angoisse étaient entières, ça, on peut tous vous l’assurer.

Un jour ou l’autre, on va mettre le doigt sur ce qu’on ressent. On va finir par comprendre qui on est et ce qu’on veut. Enfin, c’est si rassurant! Ouf. Pas si vite, papillon! On recommence à paniquer. Mais qu’est-ce que les gens vont penser? Mais comment vais-je leur dire? Les angoissent s’empilent et se multiplient. On ne voit pas la lumière au bout du tunnel. On hyperventile. On ne voit qu’une montagne de problèmes qui nous terrifient. Ça ne va pas du tout, on est sur le bord de craquer.

Puis, un jour, on décide d’en parler. Mais quelle merveilleuse idée! C’est comme si l’on portait un sac à dos rempli de pierres et qu’à chaque fois qu’on partage nos pensées, nos malheurs, nos angoisses à quelqu’un, cette personne prend une pierre et la retire du sac. On devient plus léger.

La première fois reste un moment qui sera ancré dans notre mémoire pour le reste de notre existence. C’est le moment où l’on a tassé la peur, on a pris notre courage à deux mains et on a laissé quelqu’un entrer dans notre intimité, dans notre secret le plus profond. La première, la première personne à ouvrir le sac et en retirer la première roche prendra, sans réellement le savoir, une place incroyablement spéciale dans notre cœur. Que ce soit un ami, un frère, une cousine, un intervenant, même si nos chemins se séparent, elle deviendra et restera à jamais une personne chère à nos yeux.

Après la première, il y aura la deuxième. Après la deuxième, il y aura la troisième, et ainsi de suite. À chaque fois, il sera un peu moins difficile d’ouvrir le sac, de laisser la personne prendre une pierre. À chaque fois, le sac devient moins lourd et notre cœur plus léger. On se sent revivre tranquillement. On sent le pansement se décoller doucement, il n’en reste pas beaucoup. On se sent s’illuminer, devenir nous-mêmes, ne plus avoir rien à cacher à personne. On y est presque!

Soudain, on rentre chez soi. Tout redevient sombre. Personne ne sait. Il y a alors un autre pansement qui vient se coller par-dessus le précédent. Toutes les fois où l’on va dans un souper de famille et qu’on se fait poser des questions auxquelles on répond en mentant, sans cesse et sans relâche, mais certainement pas sans regret ni tourment, on se dit que ce serait tellement plus simple de juste le dire, d’ouvrir le sac et de laisser toutes les pierres tomber au sol.

On se demande : mais qu’est-ce que ça pourrait bien leur faire? Qu’est-ce qu’ils ont à dire? On se dit : aujourd’hui, c’est le bon jour, ça se passe maintenant. Eh bien non, ça ne se passe pas maintenant. On n’a pas le cran de le faire. On reprend notre sac qui paraît encore plus lourd qu’il ne l’était et on repart. On reprend notre vie, notre train-train quotidien.

On revoit les personnes qui portent nos pierres. Avec elles, on se sent bien. On se sent nous. On se sent vivre. Petit à petit, le sac va se vider. Il va devenir plus léger, tout comme notre cœur. On va finir par le dire à nos parents, à nos grands-parents. Il paraît même qu’un jour on va le crier haut et fort et qu’on sera fier. En tous cas, c’est ce qu’on raconte. Mais en ce moment, tout ce qui compte, c’est d’alléger le sac, une pierre à la fois. Ce n’est pas facile tous les jours, mais il faut qu’on soit fort. Il faut se renforcer pour être capable de le traîner, ce sac si lourd de secrets.

Vous vous demandez peut-être pourquoi ces personnes que vous côtoyez sont si fortes, si confiantes, si endurcies. C’est parce que durant une période de temps indéterminée, mais toujours trop longue, elles l'ont porté, cet horrible sac. Elles l’ont trimballé avec elles au travail, à l’école, à la maison, dans les événements et peut-être même dans leurs relations amoureuses. Donc, le jour où ce sac est enfin vide et qu’il quitte leurs épaules endolories, mais alors si fortes et puissantes, plus rien ne peut les arrêter.

Ces personnes que vous aimez et chérissez, elles étaient nous il y a quelque temps. Prenez le temps de penser à tout ça. Prenez le temps de les apprécier telles qu’elles sont car, maintenant, vous avez une meilleure idée de ce qu’elles… enfin de ce qu’on a vécu. Apprenez à accepter, à aimer sans juger et à comprendre que notre fierté, on l'a méritée. C’est tout ce qu’on peut vous demander.

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