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Jusqu’à quel point est-ce que les scènes fictionnelles de viol sont acceptables?
Crédit: Anthony Airoldi/Unsplash
La semaine passée, dans mon cours de cinéma, nous avons visionné Ninja Scroll de Yoshiaki Kawajiri. C’est un animé japonais, que nous écoutions afin d’étudier ce courant. Avant que le film ne commence, notre enseignante a pris la peine de nous avertir de la violence sanglante qui décore le récit dans tout son long, mais pas de l’objectification ni de la sexualisation à outrance des deux (seuls) personnages féminins. Une amie a osé glisser quelques mots sur l’omission du sujet qui lui paraissait central. « C’est quoi, tu ne me trouves pas assez féministe? Tu voudrais que je montre des animés féministes? », qu’elle s’est fait répondre.

Dans le film, on suit une jeune soldate qui peine à se faire accepter comme telle parmi les hommes. Voilà alors qu’on lui fait vivre une histoire d’amour et quelques tentatives de viol, en plus de constamment faire référence à sa sexualité.

J’avais déjà entendu parler d’une problématique entourant le fait que très souvent des femmes se font violer dans la fiction, même celle d’aujourd’hui (pensons à La Guerre des trônes – loin de moi de mettre la série au bûcher, si ce n’est qu’elle constitue un exemple parmi d’autres de viols de femmes dans la fiction contemporaine). Sur le coup, je ne comprenais pas. Je me disais qu’il ne faut pas faire comme si les agressions sexuelles n’existent pas, qu’il faut mettre les cartes sur la table, que le viol à la télé est donc positif. Il aura fallu que j’écoute un animé japonais de 1993 pour voir l’autre côté de la médaille.

Ce qu’il faut reconnaitre, c’est que l’art est une représentation de sa société et que la société est une représentation de son art. Or, dans la vraie vie, on s’entête à rappeler qu’il arrive aussi aux hommes de se faire agresser sexuellement, mais pas dans la fiction. On ajoute aux scénarios des viols de femmes toujours plus extrêmes les uns des autres, tentant de rappeler aux auditeurs que les personnages féminins sont à la merci des pulsions sexuelles masculines. Le tout très romancé : il n’est pas rare de voir une victime tomber en amour avec son agresseur. Évidemment, une certaine part de cette exposition est pertinente, puisque de supprimer complètement le viol de la fiction reviendrait à nier son existence. C’est plutôt le divertissement qu’on y trouve qui pose problème : le viol devient un attrape-public, une péripétie presque obligatoire pour donner du mordant à l’histoire.

On peut donc y comprendre que l’art, en présentant le viol comme un coup de théâtre plus qu’un crime grave, reflète la banalisation de la sexualisation et de l’objectification des femmes. L’art reflète et participe, dans un sens, à la culture du viol.

Suivant cette logique, la solution au tabou entourant les agressions sexuelles ne réside peut-être pas dans l’exposition abusive et romancée de la situation, mais plutôt dans une représentation réaliste qui sert à dénoncer plus qu’à divertir. Une fiction remplie de personnages féminins qu’on ne pense pas toujours à déshabiller, finalement.

Non, madame la professeure, ce n’est pas tellement que nous voulons refaire l’histoire en ajoutant des femmes respectées dans les œuvres d’arts (quoi que ce serait génial), seulement il nous semble désolant que la femme-objet soit si habituelle qu’il ne serait pas pertinent d’en faire mention. Oui, madame, nous voudrions que vous soyez plus féministe, vous et tous.tes les autres enseignant.e.s, nous voudrions que vous pensiez à toutes les jeunes femmes qui composent la majorité des salles de classe aux études supérieures et que vous parliez d’elles lorsque l’histoire (du cinéma, dans ce cas-ci) n’a pas su le faire convenablement.

Pour vous informer davantage sur le sujet, les Brutes exposent la réflexion dans une capsule drôlement pertinente : http://lesbrutes.telequebec.tv/capsule/35480
 

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