Des fois, je me dis que les gens doivent être tannés de m'entendre parler de ma tentative de suicide et de ma dépression. J’ai le sentiment d'être un imposteur pour avoir survécu à ma peine et ne pas avoir commis l’irréparable. Le chemin de garnotte que j’ai pris pour remonter la pente est long et sinueux ; il y a un espèce de brouillard autour de cette route et de la façon dont je me suis rendue à mon état actuel. Toujours fragile, mais toujours vivante aussi.
Souvent, je voudrais pouvoir en parler sans user d'images ou de figures de style. La vérité, c’est que c’est difficile de mettre en mots ce que j’ai vécu à ce moment-là. J’ai aussi le sentiment de ne pas avoir ma place nulle part (sentiment très fort pour les personnes en dépression).
J’ai vécu quelque chose de vraiment intense quand j’ai décidé de mettre fin à mes jours. J’ai écrit une longue lettre, le plan était là, j’étais prête à dire adieux à tout le monde et surtout à ma souffrance. Ce n’était pas un appel à l’aide, c’était le moyen pour ne plus avoir mal.
Mon amie qui a reçu ma lettre a vécu quelque chose d’intense aussi. Ça m’a pris du temps avant de réaliser ce que je lui avais mis sur les épaules à ce moment-là. Ensuite, comme je n’ai pas mis mon plan d’action en branle parce que mon amie est arrivée chez moi au milieu de la nuit et qu’elle est restée pour me surveiller jusqu’à ce que j’aie un rendez-vous dans un centre de prévention du suicide et que je sois prise en main par ma psychologue et mon médecin de famille de l’époque, j’ai senti que j’avais gâché ma tentative de suicide. J’ai senti que je ne méritais pas l’attention que j’avais suscitée.
Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de considérer cette action comme un point tournant de ma vie. Ma psychologue me disait justement cette semaine que je devais prendre ça comme une renaissance. Le moment où Carolane a donné naissance à la Carolane que vous connaissez maintenant. Parce que j’ai eu de l’aide de mes proches, parce que j’ai pris le temps d’aller mieux et que j’ai pris des décisions pour changer des aspects de ma vie, je pense qu’elle a eu raison dans sa façon de me l’amener. Notons aussi que j’ai arrêté de boire de l’alcool pour permettre à mes médicaments de faire effet et que je vais sûrement être médicamentée toute ma vie.
À savoir si on se remet un jour d’avoir essayé de mettre fin à ses jours, je ne pense pas. Si je n'ai plus de symptômes dus à mon choc post-traumatique depuis 4 ans quand je suis dans une situation similaire à ma chute au fond du baril de la vie, si je suis presque capable d’en parler sans ressentir de la gêne extrême sur ce que j’ai fait, je resterai toujours avec un fond de voix qui tremble et des larmes au coin des yeux quand j’en parle. Et je n’arrêterai sûrement jamais d’en parler, parce que c’est important de le faire et de dire que cette solution permanente à un problème temporaire blesse les gens autour et c’est un acte d’extrême violence envers soi-même. Si la douleur que je ressens à revisiter ce moment de ma vie peut aider quelques personnes à aller chercher de l’aide, je me dis que c’est bien peu pour montrer le chemin vers aller mieux.
Et je me dis que c’est une belle occasion de m’offrir un gâteau!
Pour le site de l'AQPS (Association Québécoise de Prévention du Suicide), c'est ICI.