La semaine dernière, j’ai eu la chance d’être invitée à la première du spectacle Le Sacre du printemps et L’Oiseau de feu de Stravinsky des Grands Ballets Canadiens. Ma mère ayant fait de la danse classique dans sa jeunesse, j’ai cru bon l’inviter afin de profiter de ses commentaires toujours pertinents sur cet art qui, je l’avoue, m’est moins familier que la musique classique. Sachant que ces deux œuvres étaient présentées pour la première fois à Montréal depuis leur création au début du 20e siècle (!), nous étions donc parties pour une belle soirée mère-fille. Et une très belle soirée ce fut!
Le programme s’ouvrait avec le célébrissime ballet L’Oiseau de feu. Ce conte folklorique russe mis en musique par Igor Stravinksy et dont la chorégraphie originale est signée Michel Fokine, était cette fois-ci revisité par la chorégraphe Bridget Breiner. Nous avons bien apprécié la touche moderne et novatrice apportée à ce canon du répertoire de la danse. N’étant pas spécialiste, je ne peux me prononcer sur les techniques utilisées, mais le rendu était fidèle à l’histoire et à la (superbe) partition de Stravinksy, tout en proposant une chorégraphie d’actualité.
La première partie était complétée par un interlude musical, l’Ho scherzato in verità d’Agostino Steffani, ainsi que Presto Dretto, une chorégraphie signée par le Directeur artistique des Grands Ballets Ivan Cavallari et la pièce In Honour Of, chorégraphiée encore une fois par Breiner sur la pièce de Georgs Pelēcis. Cette dernière fut une véritable découverte musicale et sensorielle pour moi. Les mouvements étaient d’une beauté inouïe et exprimaient toute l’intensité des forces conflictuelles et de la nécessité d’exprimer qui caractérisent le processus de création.
En seconde partie, les Grands Ballets se sont (et nous ont) gâtés en gardant le clou du spectacle pour la fin : Le Sacre du printemps de Stravinsky. Toujours aussi subversif en 2018 qu’à sa création en 1913, ce ballet, dont la partition est encore à ce jour utilisée comme exercice de lecture dans les grandes écoles de musique tant son niveau de difficulté rythmique est élevé et particulier, ne cesse de surprendre. Dès les premières notes du leitmotiv de L’adoration de la terre, la musique et le mouvement nous interpellent de façon viscérale.
Selon le compositeur lui-même, l’œuvre ne comporte pars d’intrigue particulière : c'est un « grand rite sacral païen ». Là où le chorégraphe Étienne Béchard réussit un coup magistral, c’est avec sa mise en scène où souffle « un vent d’insoumission […], qui dénonce les travers d’une société gangrenée par le mensonge, l’insouciance et de dangereuses dévotions » (source : dossier de presse).
La notion de rejet est omniprésente dans ce Sacre revisité, notion qui prend tout son sens dans le contexte politico-social actuel où la peur et le rejet de l’Autre sont les motivateurs et les causes de plus d’un événement malheureux. Le décor donne une vague impression de camp de travail alors que les costumes font penser à ceux des camarades de la Russie communiste. Ces mêmes costumes se transformeront par la suite en un vêtement plus « organique » au fur et à mesure que chacun des danseurs est assimilé, puis accepté par le groupe des Autres. Je ne vous en dis pas plus, mais pour ceux qui connaissent l’œuvre, la fin vous surprendra! Vous pouvez aller voir Le Sacre du printemps et L’Oiseau de feu jusqu’au 24 mars prochain aux Grands Ballets Canadiens.