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J’ai réalisé que j’avais été agressée
Crédit: maxime caron/Unsplash

J’avais 17 ans. J’entrais au Cégep du Vieux-Montréal en création littéraire (si vous saviez comment je ne me prenais pas au sérieux dans ce temps-là).

Je sortais avec mon amour de jeunesse, un garçon dont j’étais amoureuse depuis le début de mon secondaire. Il me faisait craquer depuis toujours et en dernière année, nous avons commencé à sortir ensemble. Un vrai cliché. On tenait vraiment l’un à l’autre, et nous avons fini par nous rassembler en raison de notre statut de misfits de l’école. Nous vivions ensemble ce mal-être, sauf que ça devenait malsain pour nous deux. Une fois le secondaire terminé, notre statut d’outsiders a changé et, par conséquent, notre relation aussi.

Peu avant qu’on se sépare, je fumais une cigarette sur la fameuse rue Sanguinet au Cégep. Je vis un mec qui fumait devant moi, portant un t-shirt de Nirvana, mon groupe fétiche. Je lui dis spontanément que j’aimais son chandail. Il me sourit et on entama une conversation aussi banale que n’importe laquelle. On s’ajouta sur Facebook, et on continua de se croiser lors de notre pause cigarette.

Une fois, il m’invita chez lui. On écouta du grunge. On partagea un pack de Pabst Blue Ribbon. Le courant passait bien. Puis, on finit par s’embrasser. Mais je figeai. Je me sentais mal envers mon copain-bientôt-ex, parce que je n’avais pas encore eu le courage de rompre. J’expliquai la situation à mon nouvel ami, et je partis aussitôt.

Nous avons cassé mon ex et moi à peine une semaine plus tard. J’étais triste, mais soulagée. Je pouvais enfin passer à autre chose. Le mec qui aimait Nirvana était au courant, et il en profita pour m’inviter à prendre un verre.

Il m’emmena à un party universitaire où je ne connaissais personne. J’étais gênée, mais flattée d’être entourée d’étudiant.e.s plus âgé.e.s et branché.e.s. Les gens étaient sympas, on but un verre ou deux, qu’il m’offrit gracieusement, et on rigola bien.

Il m’embrassa et il me prit la main pour m’emmener dans un endroit plus isolé. Je ne voulais pas aller dans la chambre d’un.e inconnu.e, alors on sortit dehors, sur le balcon. Il y avait un genre de cabanon, plutôt grand. On se réfugia à l’intérieur.

Puis, tout alla trop vite pour moi. Je n’avais pas prévu avoir une relation sexuelle, surtout chez des inconnus, avec un garçon que je commençais tout juste à connaître.
Je lui demandai qu’on arrête. Je n’en avais pas envie.
Il insista. Beaucoup.
Il enleva son pantalon. Il était nu. Il rajouta de la pression en me disant qu’il était attiré par moi et qu’il me désirait depuis qu’il m’avait rencontrée.

Je détachai ma chemise machinalement. Je n’en retirais aucun plaisir. Je me sentais obligée de céder à ses demandes et de coucher avec lui. J’avais peur. J’étais raide et je me laissais faire.
Ensuite, je partis immédiatement chez moi. Je me sentais honteuse et bizarre. Je ne comprenais pas trop ce qui m’arrivait à ce moment-là.

Lorsque j’ai recroisé le mec quelque temps après, j’ai fui son regard et je l’ai ignoré. Je n’ai pas répondu à ses messages sur Facebook. Il m’a supprimé de ses ami.e.s, se lassant de mon indifférence, voyant que je ne répondais plus à ses demandes.

Quelques années plus tard, j’ai réalisé ce qui m’a perturbée ce soir-là. Je n’avais jamais réussi à mettre le doigt sur ce qui m’avait troublée et pourquoi cette horrible expérience a eu plus de conséquences sur mes relations que je n’aime le reconnaître.

J’ai été agressée. Ce soir-là, j’ai couché avec un mec contre ma volonté. J’ai dit non. Plusieurs fois. Et c’est exactement la définition d’une agression sexuelle. C’est une agression, et une atteinte à ma pudeur et à ma dignité aussi.

J’ai appris, il y a un moment, que plusieurs filles l’avaient accusé d’agression sexuelle au Cégep du Vieux. J’en avais mal au cœur.

Plus le temps avance, plus je suis persuadée que presque toutes les femmes ont subi au moins une agression au cours de leur vie, quelle qu’elle soit. Souvent, ce sont des relations sexuelles comme celle que j’ai vécue qui, en réalité, n’en sont pas. Ce sont des gens qu’on connaît et qu’on aime, entre les quatre murs d’une maison. On est loin du cliché de la ruelle perpétué par les médias.

C’est la réalité, et dans celle-ci, la culture du viol se poursuit sous nos yeux, en permanence.

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