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Je rêvais de devenir actrice
Crédit: Visual Hunt

Mon histoire a débuté comme celles de presque tous les comédien.ne.s, celleux qu’on voit partout et aussi celleux qui survivent à peine. Dès que j’ai eu l’âge de m’exprimer, j’ai joué la comédie. Je passais mes étés dans des camps, mes soirées dans des troupes et mes congés dans ma tête, à mémoriser et à m’approprier tous ces textes. J’ai entamé ma vie de jeune adulte convaincue de mes choix, persuadée que le théâtre, c’était l’avenue pour moi. J’ai donc passé ma vie collégiale à faire tout ce qu’il fallait pour me rendre là où je le voulais. J’ai auditionné, j’ai réussi, j’ai fait mon école, j’ai vécu tout ce qu’il y avait à vivre, le beau comme le pénible, et finalement, au bout de cette dizaine d’années, j’ai choké.

Il faut comprendre que ces visages qu’on reconnaît, ces comédiens qui envahissent le paysage, ils ne sont pas la réalité. Du moins pas la majorité. Celleux qui font des projets bénévoles pour accumuler leurs crédits UDA, celleux qui font des publicités de grandes chaînes malgré tous leurs beaux principes, celleux qui sont serveur.se.s, animateur.trice.s, enseignant.e.s tout en pourchassant les auditions et en donnant tout ce qu’ils ont, celleux que vous reconnaissez sans trop savoir où vous auriez bien pu les voir : ils font aussi, surtout, partie de la réalité.

Bien sûr, nous sommes avisé.e.s. Dans les grandes écoles, on le dit, on le crie, on le répète : vous travaillez fort, mais c’est peut-être (sûrement) en vain. Vous allez devoir souffrir, piler sur votre orgueil, travailler avec acharnement pour peut-être, au bout, arriver là où vous le souhaitez.

Mais ils sont tenaces les rêves des artistes. Alors on se dit, en se comparant à nos ami.e.s, à nos « futur.e.s compétiteur.trice.s »,que nous, nous y arriverons.

Vous l’aurez deviné : je n’ai pas eu la force de continuer. J’ai eu si peur, une fois dans le vrai monde. Je n’étais plus protégée et c’était à mon tour de me livrer sans barrières à ce milieu. J’ai eu une agente, j’ai passé des auditions et j’ai vécu les angoisses les plus déchirantes de ma courte vie. J’ai réalisé que mon physique, ma voix, mon fameux casting, il ne m’avantagerait pas toujours. Que j’allais être analysée et jugée comme jamais auparavant. Que si je croyais avoir déjà vécu des épreuves, le pire était devant moi.

J’ai eu si peur de ne pas arriver exactement là où je voulais et de m’investir dans un tourbillon de projets non payés et de faire des contrats dégradants sans aucune garantie. Mon cœur n’arrivait pas à être assez enflammé et passionné pour son art pour être prêt à vivre tout ça.

J'ai donc mis mon plus charmant masque, celui du détachement, de l’indifférence, et après toutes ces années, j’ai abandonné.

Quand on me demande si je regrette, je dis non. Quand on me demande si je m’ennuie, je dis non. Quand on me demande si je suis heureuse et épanouie, je dis oui. Et c’est vrai, un peu. J’ai recommencé, ailleurs, à trouver ce qui me fait vibrer. J’ai de l’amour, de l’amitié, du travail, des intérêts. Mais, malgré toutes ces douces choses qui rythment ma vie, il m’arrive de me rappeler que mon rêve moi, c’était d’être actrice.

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