J’ai eu honte de dire que je suis féministe.
Et ça m’enrage vraiment.
Entre le jour où je suis devenue la petite nouvelle de TPL et aujourd’hui, il y a vraiment un monde. Je suis aujourd’hui tellement plus conscientisée et préoccupée par la cause féministe, et ça me fait du bien. Je sais maintenant remarquer les injustices et inégalités et je tiens à les revendiquer. Cependant, pour l’instant, je suis encore de ces féministes silencieuses, qui croient en silence et savent être critiques du monde dans lesquelles elles vivent, sans pour autant militer pour la cause à voix haute.
Parce que j’ai parfois honte de dire que je suis féministe, pourtant je trouve ça inacceptable.
Il y a de cela quelques jours, j’ai eu la confirmation que le message féministe passe encore mal.
Je suis en cours. On parle d’un sujet qui n’est aucunement en lien avec le féminisme. Tout va bien. Puis, la professeure interrompt pour quelques secondes les discussions pour nous glisser un petit message. Elle dit se rendre compte que depuis le début du cours, il y a de cela quelques semaines, chaque fois qu’il est question de prendre parole, ce sont seulement des hommes qui le font. Aucune fille ne prend parole sur des sujets sur lesquels elles sont pourtant informées. Ne voulant forcer aucune fille à prendre parole si elle n’en a pas envie, et sans empêcher qui que ce soit de prendre parole (et elle l’a dit explicitement), elle relève que toute personne est la bienvenue de parler dans son cours et qu’elle ne veut pas qu’une femme s’empêche de parler si elle en a envie seulement pour laisser la parole aux hommes.
Scandale. Ma classe est en total désaccord.
Et ce sont surtout des femmes qui s’exclament, clamant haut et fort que cela n’a rien à voir, et que si elles ne parlent pas, c’est seulement une question de choix. Puis, elles relèvent que le débat ne se tient même pas, que c’est faux que de nos jours, il existe encore un conditionnement social qui apprend aux femmes à laisser leur place aux hommes.
Puis, la discussion en vient aux inégalités entre les hommes et les femmes, et finalement aux inégalités salariales. Ma prof dit que ces inégalités existent. Un homme de ma classe dit que non, et s’exclame avec de virulentes statistiques.
Je tilte. Je sais pertinemment que les inégalités homme-femme existent. Combien de fois mon père, qui est directeur dans une compagnie, est revenu du boulot en colère, car il venait de promouvoir une femme à un titre de direction et qu’il devait se battre avec acharnement pour que cette femme soit payée autant que ses collègues masculins ou que son prédécesseur masculin?
Je lève la main pour une des premières fois dans ma vie.
J’essaie de m’exprimer avec nuance et discernement afin d’exprimer ma position clairement. Je sors l’exemple de mon père. C’est non négociable, des inégalités entre les hommes et les femmes, il y en a plein.
La classe réagit. Personne n’est de mon côté. Un paquet d’hommes réagissent négativement à mes propos, décrédibilisent mes exemples et mes arguments et tentent de m’expliquer c’est quoi la VRAIE situation.
Je suis vraiment désolée, mais il n’a AUCUNE idée de ce qu’est être une femme en société, et surtout aucune idée à quels défis je suis confrontée jour et nuit.
Je suis fucking écœurée de me faire expliquer comment la vie fonctionne par des hommes qui croient tout savoir et tout connaître, et qui sentent le besoin de m’éduquer ad vitam aeternam, surtout sur mes conditions en tant que femme.
Et surtout, ça m’attriste quand des femmes rejettent le débat féministe par prétexte qu’elles ne soient pas confrontées à ces injustices. Tant mieux! Vous êtes tellement chanceuses de pouvoir surpasser ces inégalités et de sentir que vous pouvez mener votre vie comme bon vous semble, et que rien ne porte atteinte à vos ambitions.
Mais ce n’est pas le cas de toutes, loin de là.
Décrédibiliser le féminisme sous prétexte de ne pas ressentir les impacts des inégalités, c’est comme décrédibiliser le racisme ou le viol parce qu'on ne les a pas vécus personnellement. C’est inadmissible.
Ça rend le débat fucking difficile quand des femmes crachent sur le féminisme.
Alors je me suis tue. Clouée à ma chaise, bombardée de critiques de part et d’autre, j’ai regretté. Regretté d’avoir affiché mon féminisme pourtant assumé, qui m’a attiré tant de jugements de tous.
Mais je me suis ravisée. Non, je ne cesserai pas d’être féministe. Je le suis, et depuis 200 ans (sinon plus), les femmes se battent pour la même chose : l’égalité entre les hommes et les femmes. La question était incomprise à l’époque, et elle l’est encore aujourd’hui. Mais si ça n’a pas empêché les femmes au 19e siècle d’apporter des changements, ça ne m’empêchera pas non plus.
Je suis féministe et fière de combattre pour une société plus égalitaire, et ainsi, plus pacifique et respectueuse. Et je n’ai aucune raison d’avoir honte de ça.