Je ne suis pas digne

Je suis une personne choyée. J'ai eu beaucoup de chance et j'ai été couverte d'amour dès l'instant où j'ai ouvert les yeux. Mais à un moment ou un autre de mon existence, comme tout le monde, j'ai entretenu des relations à sens unique et j'ai enduré des comportements que je ne tolérerais plus aujourd'hui.

J'ai connu certaines personnes qui m'ont fait sentir coupable de faire des choix pour moi, qui ont dénigré mes goûts et mes aspirations. Des personnes qui ont cherché à me rabaisser pour avoir une meilleure emprise sur moi. J'ai graduellement coupé les ponts avec ces personnes. Dans certains cas, c'est simplement le temps qui a fait son œuvre et qui m'a éloignée d'elles.
 
Depuis près de deux ans maintenant, le grand nettoyage est terminé. Pour la première fois, je ne compte que des relations saines et positives dans ma vie. Et je me sens bien. Tellement bien. Je suis dans une période où j'ai vraiment le vent dans les voiles, et ce, dans toutes les sphères de ma vie. Je suis heureuse… Et ça me terrorise.
 
On dirait que je ne suis toujours pas habituée à cultiver des rapports où c'est donnant-donnant. En tout cas, c'est ce que j'ai fini par conclure. Je suis entourée de gens qui m'aiment, qui m'encouragent et qui me soutiennent. Ces personnes merveilleuses me poussent à aller de l'avant et à me placer en tête sur ma liste de priorités. J'en suis extrêmement reconnaissante.
 
Sauf que – et je remarque et c'est un cycle chez moi – je finis par me sentir coupable. Comme si les vieilles habitudes reprenaient le dessus. Dans ma tête, je ne mérite pas autant d'amour et d'attention. Quand je consacre du temps à mes projets et à moi-même, je ne prends pas soin de mes proches, et c'est mal. Quand l'amoureux part pour un week-end et que je profite d'avoir l'appartement à moi toute seule au lieu de m'ennuyer de lui, je deviens un monstre.
 
Et c'est là que la honte entre dans la danse. Je ne suis pas digne de ma famille, de mon amoureux, ni de mes amis.
 
Je dors mal. Quand je dors, je fais des cauchemars et je me réveille, parfois plusieurs fois par nuit. Je pleure souvent. Puis arrive un événement qui me rappelle que je suis une bonne personne et que je n'ai pas à m'en faire pour ça. Je finis par comprendre que si je m'inquiète tant de montrer à mes proches que je les aime, c'est que je me soucis déjà d'elleux. Je suis bien pour un certain temps avant que la culpabilité ne revienne.

La bonne nouvelle, dans tout ça, c'est que je pense vraiment avoir cerné le problème. Quand ces sentiments reviennent, je suis de plus en plus en mesure de rationaliser et de limiter leur impact sur mes comportements. J'essaye au maximum de poursuivre mes activités et j'en parle à des gens de confiance. Ça fonctionne de mieux en mieux. J'ai confiance que je vais arriver à me défaire de ces vieilles habitudes.
 
Je suis consciente que mon discours peut paraître anodin, pour certain.e.s d'entre vous. Je connais ma chance et je sais que ma situation n'a rien à voir avec celle d'une personne qui vit avec la violence quotidiennement. À vous qui être pris.e.s dans une ou des relations toxiques, je suis de tout cœur avec vous.
 
Avez-vous déjà vécu quelque chose de semblable? Que faites-vous, dans une telle situation?