Août 2015, un article de BuzzFeed dénonçant le magazine Allure pour un article présentant une mannequin blanche avec un afro apparaît dans mon fil d’actualités. On parle de cultural appropriation, un terme qui m’est complètement inconnu à ce moment. Les lectrices Afro-Américaines déplorent que la coiffure en question soit présentée sur une femme caucasienne. Ma réaction? « C’est quoi le problème, voyons? C’est une mise en pli comme une autre, pourquoi en faire tout un plat? »
J’étais contrariée qu’on en fasse un mini-scandale, je trouvais que c’était une réaction exagérée et je ne comprenais pas le terme « appropriation culturelle ». Je l’admets, haut et fort, j’étais réfractaire. J’avais beau essayé de voir où était le problème, je ne voyais qu’une réaction démesurée face à un style capillaire qui rendait hommage aux types de cheveux des Noir.e.s.
Jamais je n’avais pensé à toute la signification culturelle et sociale derrière la coiffure afro. Par exemple, le fait que pendant des décennies (des siècles en fait!), et même encore aujourd’hui, cette coiffure était jugée inappropriée par de nombreux employeurs et institutions d’éducation, alors que c’est une chevelure naturelle pour de nombreuses personnes de couleur. Tout à coup, ça devenait acceptable car l’industrie de la mode avait décidé que c’était trendy et, comble du ridicule, c’était présenté sur une femme blanche n’ayant aucunement la texture capillaire pour cette coiffure.
Aujourd’hui, je me sens plutôt coupable de décrire ma réaction. Mon opinion a bien évidemment changé depuis et je comprends beaucoup plus l’idée derrière les protestations des lectrices Noires. Je me suis ouverte à la conversation, mais j’ai surtout écouté ce que les personnes de couleur avaient à dire.
Ça n’a pas été facile, ce n’est pas un processus qui s’est fait du jour au lendemain. Je suis complètement honnête, j’ai été choquée et froissée dans mes valeurs quand le concept d’appropriation culturelle a pris de l’ampleur. Je n’étais pas à l’aise de me faire call out sur des choses que je faisais et que je croyais complètement inoffensives.
Au secondaire, j’allais dans une école où il y avait de nombreuses communautés culturelles différentes et je me souviens que je demandais à des camarades Haïtiennes, souvent seulement des connaissances, même pas des amies, de me tresser les cheveux. Je voulais, moi aussi, avoir une coiffure comme elles, je trouvais ça joli. Ma mère avait même eu l’idée de donner de l’argent à une des filles qui m’avait tressé, pour qu’elle le fasse sur une base régulière. Quelle indécence, quand j’y pense aujourd’hui. Je ne m’étais jamais interrogée d’où ça venait ou pourquoi les filles (et les gars!) se tressaient; tout ce que je voulais, du haut de mon privilège de blanche, c’était d’avoir, moi aussi, de belles tresses, parce que c’était la mode.
Je n’essaie pas de pointer du doigt personne ici, ce que je tente d’expliquer, c’est que c’est normal de ne pas être à l’aise avec le concept d’appropriation culturelle, aux premiers abords. C’est normal de se sentir attaquer et de ne pas tout saisir.
Chaque fois que j’entends parler d’une nouvelle situation d’appropriation, je l’avoue, je suis mal à l’aise. Ça vient bousculer mes valeurs. Ça ne fait pas de moi une mauvaise personne. L’important, c’est qu’une fois que mon premier sentiment réfractaire est passé, je prends le temps d’écouter et je tente de comprendre.
Après tout, ce n’est pas à moi de juger ce qui est acceptable ou non, lorsque quelqu’un issu d’une communauté culturelle différente de la mienne se sent attaqué par mes actions, aussi nobles peuvent-elles se vouloir.