C’était un party de famille des plus ordinaires. J’allais me resservir du vin dans la cuisine quand j’entends un ami à mon cousin (on va l’appeler Simon-Richard) dire avec une confiance absolue : « Dans vie, si tu veux, tu peux ». Je ris un peu dans ma barbe : cette idée bien répandue dans le discours social me fait hérisser le poil de bras chaque fois que je l’entends.
Non, si on veut, on ne peut pas nécessairement. Parlez-en à quelqu’un en dépression, à une personne racisée, à une personne handicapée… On n’a pas toutes les mêmes chances dans la vie!
Habituellement, quand j’entends ce genre de discours de la part de gens que je ne connais pas vraiment, surtout dans un party de famille, je me la ferme et je passe à autre chose. Malheureusement pour moi, Simon-Richard a spotté mon eye-roll et me demande : « C’est quoi, t’es pas d’accord? »
Non, Simon-Richard, je ne suis pas d’accord avec toi, et ce, pour plusieurs raisons.
J’ai commencé par lui expliquer, calmement, comment ça n’a pas de bon sens de se dire que « si tu veux, tu peux », parce que c’est se laver les mains de toutes les injustices que le capitalisme (entre autres) crée. C’est comme dire : les pauvres sont pauvres parce qu’ils s’aident pas, voyons!
Rapidement, la conversation a pris une tournure féministe parce que Simon-Richard a beaucoup accroché au fait que je « pensais » que les personnes racisées/les femmes/les personnes handicapées avaient moins de chance de réussir que les autres. Pour lui, on naît tous et toutes égaux. Dans une belle société ouverte comme le Québec, il ne suffit que de saisir les occasions qui s’offrent à nous pour réussir (c’est assez facile à dire quand, comme Simon-Richard, on est un homme blanc cisgenre qui fait 50,000 $ par année).
Ce que je déteste de ce genre de conversation, c’est que je me retrouve à devoir prendre de mon temps pendant une situation sociale qui devrait être amusante et relaxante pour débattre de choses qui ne devraient pas être de l’ordre du débat. Les droits des femmes, les droits de la personne en général, ne devraient pas être « un conflit d’opinions », un « agree to disagree ». Parce que j'étais vraiment écoeurée d'essayer de discuter avec Simon-Richard, j'ai essayé à trois reprises de quitter la pièce, mais à chaque fois, ce dernier me relançait et faisait valoir ses discours misogynes arguments.
Ce qui me fâche le plus, c’est que Simon-Richard se considère comme féministe parce qu’il aime sa blonde et qu’il est fin avec. Et c’est là, selon moi, le plus gros problème. On n’est pas féministe parce qu’on est gentil avec sa blonde pis qu'on a une mère. Simon-Richard n’est surtout pas féministe lorsque, avant de nous dire au revoir, il lance à mon chum un beau : « Tiens-la en laisse celle-là, hein! ».
Simon-Richard est l’exemple parfait d’un antiféministe ordinaire. Il ne sait même pas qu’il en est un. Mais moi, j’en rencontre toutes les semaines des comme lui et je commence vraiment à être tannée.
Avez-vous déjà vécu une situation semblable?