Je n’ai plus vraiment l’âge d’écouter des émissions jeunesse, mais je vous avoue sans honte que je le fais encore. Actuellement, c’est pas mal bon ce qui se fait au Québec. C’est l’fun, on présente des personnages forts, diversifiés, on parle d’enjeux actuels qui touchent réellement les générations à qui on s’adresse. En plus, on voit de plus en plus de rôles principaux féminins, des filles confiantes et fonceuses.
J’étais pas mal enthousiaste face à tout ça. Et là, en écoutant la nouvelle série pour ados sortie récemment, j’ai eu une épiphanie. Je défends quotidiennement la diversité corporelle, et elle cochait clairement absente dans tout ce que j’avais vu.
J’ai fouillé, parce que j’aime être informée le plus possible lorsque je parle de quelque chose. Ma connaissance du sujet me semblait assez documentée, mais on ne sait jamais.
J’ai cliqué sur pas mal tous les liens. Un à un.
Ceux des émissions, diffusées actuellement, ou qui l’ont été dans les dernières années.
Ceux des personnages de ces émissions.
Alors que j’aurais aimé avoir tort pour me rassurer, ce que j’ai vu (ou plutôt PAS VU), m’a dérangée encore plus que je l’étais déjà.
On s’entend.
Je pense que la diversité corporelle est un problème généralisé à la télévision.
Principalement en ce qui concerne les rôles féminins (évidemment t'sais).
Ça, je le savais.
Mais quand j’ai pris conscience que c’était aussi, peut-être même plus encore, le cas dans les émissions jeunesse qu’on offre à nos enfants et à nos adolescents, j’ai trouvé que le problème était encore plus grand.
Que nous, adultes, n’ayons pas de modèles à la télévision, c’est grave.
Qu’eux, qui essaient quotidiennement de comprendre comment être humain de cœur et de corps, n’en aient pas, c’est étouffer la valeur des corps différents.
Et ça, je trouve ça impardonnable.
Parce que c’est à ce moment que les identités se forgent.
C’est à cet instant que nos préjugés se définissent.
C’est là que notre forme se trace.
Pis, vous le savez comme moi, au jeu des formes, quand on essaie de faire entrer un carré dans un triangle, ben ça ne marche pas.
Ignorer la réalité des corps différents, c’est un peu comme dire aux propriétaires de ces corps qu’ils n’existent pas. Sans que les émissions le démontrent de façon explicite, elles laissent la trace ironique qu’il faudrait que ces jeunes humains deviennent plus petits pour qu’on les voit.
Ne pas en montrer encourage aussi l’anormalité. Ça envoie le signal que ce n’est pas normal d’avoir un corps différent, parce que si ce l’était, on en montrerait, non? Comme on est généralement réticents envers ce qui nous terrifie, alors ça conforte la ligue des bien-pensants dans leur idée que ce serait un bien mauvais exemple pour nos jeunes que de reconnaître les formes corporelles comme quelque chose de sain. Et les voilà emmitouflés dans leurs préjugés.
Je le sais.
En tant que fille qui n’a pas un corps dit comme les autres depuis tout le temps, on le remarque quand il n’y a personne qui nous ressemble.
On voit les filles qu’on nous présente et on se dit « ouin, mais j’suis où moi? ».
À 12 ans, je l’aurais remarqué tout de suite.
À 32 ans, j'ai mis un peu plus de temps à le voir,
parce que beaucoup de douceur envers moi,
parce qu’une force que j’ai eu la chance de trouver,
parce que j’ai appris que j’étais là autant que les autres.
Mais tout le temps que j’ai mis à aimer mon corps, j’aurais pu le mettre ailleurs.
Même chose pour ceux qui ont accepté de défaire nœud par nœud leurs préjugés.
On peut-tu se mettre ensemble et le donner, ce temps-là, à nos jeunes?
On peut-tu leur offrir des modèles qui témoignent de la beauté de toutes les formes?
Ils le méritent.
P.-S. : J’ai d’abord écrit au féminin, parce que c’est ce que je comprends le mieux.
J'ai relu mes mots et je me suis dit que la diversité corporelle n’avait pas de sexe quand on est enfant.
Adultes, je pense que les femmes souffrent davantage des préjugés.
Je pense aussi que c’est en éduquant autant les jeunes filles que les jeunes garçons à aimer leur corps et à respecter celui des autres que je vais pouvoir ranger ce texte en dessous de la pile, un jour.