« C’est l’intention qui compte! »
Depuis quelque temps, j’entends beaucoup cette vieille expression que l’on sort lorsqu’on reçoit un cadeau plutôt ordinaire. En y réfléchissant un peu, je suis venue à la conclusion que les gens la surutilisent pour justifier les conséquences de leurs actions.
Je m’explique. Lors du #CostumeGate, plusieurs personnes se sont défendues de faire des choix de costumes qui auraient pu déranger en précisant que cela n’était pas leur intention. Qu’iels voulaient simplement se déguiser, faire rire, faire honneur à une personne ou un personnage qu’iels apprécient. Ce sont des intentions qui, prises comme telles, sont bien correctes.
Sauf que l’action qu’iels posent avec ces intentions ne leur fait pas honneur. Le résultat n’est pas que les gens rient du déguisement de Bob Marley, mais plutôt qu’iels sont fâché.e.s de constater qu’on ne fait pas attention à l’historique derrière le blackface.
Un autre exemple. L’autre jour, je suis allée voir une pièce de théâtre. Je suis, en temps normal, une spectatrice privilégiée du fait que cela fait déjà trois ans que j’étudie cet art. J'assimile pas mal rapidement les conventions, j’arrive à me laisser porter lorsque je suis confuse, car je me dis que cela doit être l’intention du ou de la metteur.se en scène. Sauf que cette fois-là, je ne suis pas parvenue à déchiffrer ce qui se passait devant moi. Les signaux de compréhension que je percevais ne m’aidaient pas à décoder l’histoire et cela m’énervait pas mal beaucoup. Il m’a fallu les explications de la metteuse en scène pour arriver à apprécier moindrement ses intentions de création. Et ça, c’est pas bon selon moi. Si un.e spectateur.trice ne peut pas comprendre ce qu’iel voit sans explications, c’est que les intentions ne sont pas atteintes. Une oeuvre doit parler par elle-même. Les intentions ne comptent pas, car le résultat ne les traduit pas.
Concernant les cadeaux, soit le moment où on utilise le plus cette expression, il est vrai de dire que chaque fois que j’utilise ce patois, c’est parce que je suis déçue ou dérangée par un cadeau. La personne qui voulait me faire plaisir m’a donné un présent qui ne me plaît pas ou ne me convient pas. Je pense que si elle souhaitait vraiment me faire plaisir, elle se serait donné la peine de me demander ce que j'aimerais recevoir. Et si elle ne l’a pas fait, alors elle désirait peut-être seulement m’en offrir un pour la forme. Résultat : je ne suis pas contente et je me sens coupable de devoir me débarrasser de ce cadeau. Et encore une fois, les intentions n’ont pas eu d’impact sur le résultat.
Finalement, je pense que cette expression est utilisée bien souvent pour se donner bonne conscience et minimiser certains effets de nos actions. Dans les cas d’inconduites sexuelles, on entend les gens dire que la personne ne voulait que faire des blagues. Pourtant, le résultat n’est pas qu’on rit, mais plutôt qu’on se sent ridiculisé.e, dominé.e et inconfortable.
C’est pourquoi je vous invite à ne plus employer cette expression. Assumez les conséquences de vos actions et arrêtez de les cacher derrière des intentions floues, fausses ou présumément bonnes.