Depuis que j’ai écrit les deux premières parties de mon histoire (ici et là), plusieurs choses se sont passées. Il y a eu vague de dénonciations, ce qui, une fois de plus, démontre la pertinence de partager de telles histoires.
J’ai partagé mes deux textes avec beaucoup de monde dans mon entourage qui connaissait déjà l’histoire et même certains ex-collègues de travail. Entendons-nous bien, je ne l’ai pas fait pour la chasse aux likes, mais j’ai reçu des félicitations parce que cette histoire aiderait peut-être d’autres victimes à cesser d’accepter ces comportements.
J’ai aussi eu des messages du genre : « Je ne comprends pas pourquoi on n’a rien vu », alors que c’était su de tout le monde que cet homme avait des conduites inacceptables. La culture du viol, c’est ça. Garder le silence et préférer se mêler de ses propres oignons… J’ai reçu un autre message de quelqu’un qui m’a dit que je devrais essayer d’oublier ça et passer à autre chose à la place d’écrire ces articles. #WTF
Le problème, c’est justement ça.
C’est que pendant que je luttais pour retrouver ma santé mentale, j’ai essayé de me défendre. J’ai cogné à plusieurs portes dont celles du supérieur de mon agresseur et mon syndicat. On a vite fait de me dissuader de faire quoi que ce soit.
Le supérieur, en toute connaissance de cause, m’a dit ceci : « Tu es jeune. On mise sur des jeunes comme toi pour l’avenir de l’entreprise. Je sais que son comportement est déplacé, mais sois patiente, il ne lui reste que quelques années avant la retraite. »
Je suis revenue de cette rencontre totalement outrée. Je me sentais stupide parce que sa manière de banaliser la situation me faisait douter de moi. Il venait de m’invalider.
Je me suis donc tournée vers mon syndicat qui, normalement, devait me défendre. Là, on m’a dit que je n’étais pas seule, que j’aurais de l’aide. Mais on n’a jamais retourné mes appels ni répondu à ma lettre dans laquelle j’exposais tous les faits.
Encore là, une autre invalidation. On me faisait sentir qu’il y avait d’autres chats plus importants à fouetter…
Du côté des professionnel.le.s de la santé qui me suivaient, c’est-à-dire ma psy et mon docteur, les deux m’ont dit que de telles démarches étaient longues et douloureuses. Dans l’état où j’étais, c’était impensable de me lancer là-dedans. Je n’avais pas la santé psychologique ni physique pour aller raconter la même histoire à la CSST et risquer qu’on m’invalide encore.
C’est pourquoi j’ai fait des démarches en orientation professionnelle pour changer de domaine. Le milieu étant petit, j’avais peur de recroiser mon ancien boss. À ce moment, je le craignais énormément. J’allais porter mes papiers du médecin en pleine nuit pour m’assurer de ne croiser personne et j’avais des poussées d’anxiété terrible dans les heures précédant ce simple « voyage » au bureau.
J’ai finalement trouvé un boulot, alors j’ai convoqué le supérieur de mon agresseur pour lui annoncer ma démission. Lors de cette rencontre que je n’oublierai jamais, il m’a dit ceci : « Je suis content pour toi que ça aille mieux. Maintenant que tu pars, il serait important d’aller voir le monde au bureau pour les saluer et d’aller serrer la main à X, pour bien terminer et passer à autre chose. »
J’étais sidérée. Le summum, c’était qu’on me demande d’aller serrer la main à mon agresseur pour lui dire que j’endossais son comportement, un peu pour lui demander pardon, lui qui semble-t-il ne comprenait pas pourquoi j’étais partie en arrêt de travail.
J’ai refusé catégoriquement.
Je me suis arrangée pour aller au bureau quand il n’était pas là pour saluer mes collègues.
Je ne l’ai jamais revu.
Quelques mois après, il a été sanctionné parce qu’il a traité une collègue d’un autre secteur de « grosse tabarnak » ou quelque chose du genre. Après trois jours, il était de retour au travail.
Cet homme n’a jamais perdu son emploi pour ses agissements. Il travaille encore dans ce domaine, mais pour une autre entreprise.
Moi, je ne pense plus jamais travailler dans ce domaine où, selon ses propres mots « tu suces ou tu te fais baiser ».
J’ai préféré changer de domaine et surtout, j’ai choisi de continuer à en parler parce qu’il faut que ça arrête, point final!