J'ai longtemps pensé que j'étais normale. Enfant, j'étais plus stressée que la normale (vous savez, LA normale), mais rien d'alarmant. Ma mère parfumait ma chambre de lavande, c'était relaxant, disait-elle.
Parfois, quand les émotions étaient trop intenses, je me mettais à crier dans ma tête, je hurlais littéralement. Ma bouche restait close, mais mon cerveau vibrait sous l'impulsion de mes cordes vocales imaginaires. Mais ça, je ne l'ai jamais à dit à personne parce que je pensais que tout le monde vivait ça.
Ma blonde avait tout le temps mal au ventre sans en parler à personne. Ça sert à quoi de se plaindre quand tout le monde a des petits bobos?
Nos petits bobos respectifs se sont amplifiés, à force de se taire, on a laissé grossir le mal en nous. Les médecins se sont pris à plusieurs pour disséquer ma blonde. Le couperet est tombé : cancer des ovaires. De mon côté, je croule sous les cachets de toutes les couleurs : jaunes, bleus, saumon, mauves. Chacun à leur heure respective, tentent de calmer mes impulsions cervicales. Toujours pas de diagnostic, c'est juste de l'anxiété.
Je suis devenue adulte du jour au lendemain quand j'ai dû prendre tous ces médicaments parce que je suis incapable de vivre avec la réalité. C'est un dix-roues surnommé la vie qui fonce sur une presque adulte désabusée.
Enfant, je n’avais pas conscience de la maladie. Ma tante avait le cancer du sein, ma voisine a fait un AVC, je le savais. Je ne comprenais pas l’ampleur de la chose. Pour moi, c’était simple, c’était un bobo qu’on a guéri, c’est tout.
Maintenant, ma mère est en dépression, mon oncle a le cancer, ma blonde aussi et j'ai de la difficulté à vivre avec mon cerveau. Et les conséquences pèsent sur moi comme 100 éléphants : à 22 ans, j’ai compris. J'ai compris c'est quoi être malade, et les conséquences de la maladie sur nos proches, nos collègues, nos ami.e.s, sur tout le monde. J'ai pris conscience qu'avoir un trouble obsessionnel compulsif m'oblige à faire certaines choses qui semblent excessives, inutiles, aux yeux des autres et, bien souvent, à mes propres yeux. J'ai compris que des bobos, tout le monde en a. Certain.e.s sont plus chanceux que d'autres, certain.e.s les tolèrent mieux que d'autres.
J'avoue que ça a été un choc, de comprendre l'ampleur de la maladie : je me sens désabusée par la vie. Surtout comprendre qu'être malade, ça ne veut pas nécessairement dire être sur un lit d'hôpital, la maladie est beaucoup plus pernicieuse…