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Pourquoi elle n’a rien fait?
Crédit: Ravi Roshan/Unsplash

C’est une des questions qui revient souvent ces derniers jours : Pourquoi elle n'a rien fait?

Je vais tenter d’y donner une réponse par cette simple illustration. J'emploierai le féminin dans ce texte, non pour banaliser le harcèlement fait à l’endroit des hommes ou des personnes transgenre, mais simplement parce que mon exemple concerne une femme.

Il fut un temps où les gens conversaient encore beaucoup d’un bout à l’autre d’un fil téléphonique. Dans ce temps-là, j’avais 14 ans et je prenais le combiné de l’étage du haut pour plus d’intimité et éviter ainsi que ma mère saisisse des bribes de mes conversations avec mes amies.

Dans l’une de ces conversations, je me souviens avoir énuméré toutes les choses que je ferais si un homme avait l’audace de tester ma naïveté.

Quelques semaines plus tard, mon amie m’appelait. On est revenues sur le même sujet et son silence m’a poussée à la questionner. Elle gardait une petite fille quand un homme, le père de cette dernière, est entré chez elle et a baissé son pantalon. Il l’a invitée à toucher son pénis. Elle est restée figée.

Il a commencé à lui crier : « Awweille, tu le trouves pas beau? Quoi, ça te fait peur? » Et elle est demeurée figée, jusqu’à ce qu’il revienne à ses sens et qu’heureusement, il parte honteux et confus. Elle le connaissait. Elle ne savait pas qu’il était « comme ça ». Elle s’est juste mise à pleurer.

« Tu sais, tu te dis que tu vas faire ci ou ça, mais quand ça arrive pour vrai, tu ne sais plus quoi faire. » C’est ce qu’elle m’a dit et je l’ai crue à ce moment-là. C’est pour ça que je ne pose jamais la question, je sais qu’il n’y a pas vraiment de réponse. Qu’il ne faut pas essayer de comprendre parce que ça s’explique mal, cette peur qui paralyse.

Je sais que ça n’a pas de sens de devoir faire face à quelque chose d’aussi inattendu, d’aussi vulgaire, de se sentir aussi mal à l’aise ou dégueulasse pour quelque chose que quelqu’un d’autre a fait, un geste qui peut sembler banal pour certains, mais qui ne devrait pas l’être.

Sur les réseaux sociaux j’ai vu #LesGens banaliser certains comportements au détriment d’autres, catégoriser certaines formes de harcèlement sur une échelle aléatoire et suggestive du genre, « ben là, ça c’est plus une blague, c’est moins grave » ou encore « ok, c’était déplacé, mais il l’a pas forcée ». Oui, mais non.

Comprenez-moi bien, il y a bel et bien une différence entre un gars qui fait un compliment à une fille et un autre qui lui force carrément la main. Je ne veux pas mettre tout le monde dans le même panier. Mon seul plaidoyer, le voici. De grâce, si vous ne comprenez pas, si vous n’avez jamais été victime ou n'avez jamais rencontré quelqu’un qui l’est, ne posez pas la question : « Pourquoi t’as rien fait? » La poser serait banaliser l’ampleur du choc qu’une personne peut ressentir face à un comportement déplacé, face au harcèlement sexuel.

Elle a 10 000 raisons de ne pas l’avoir frappé en plein milieu, de ne pas s’être révoltée, de ne pas avoir dit non ou arrête comme elle pensait le faire. Autant de raisons d’avoir attendu avant de le dire, donc, au lieu de juger, supportez-la, croyez-la.

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