J’ai hésité cent fois plutôt qu’une à écrire ce texte-là. Parce que c’est difficile de parler de certains problèmes, surtout quand on connaît certaines personnes ou qu’on traîne dans certains milieux ~ cool ~. C’est que tout se sait et qu’il y a des personnes qui se parlent à voix basse pour se raconter des trucs. Il y a les Facebook chat entre ami.e.s où on sait que telle personne a des façons d’agir qui sont hautement problématiques. Il y a les blagues qu’on lance le lendemain d’une grosse soirée où je ne suis presque jamais. Il y a tout ce qu’on se potine ensemble.
Il y a une culture de passe-droits sur les agressions sexuelles et sur les comportements problématiques qu’on laisse tous aller en ce moment. Et d’une certaine manière, on joue tous et toutes un rôle, même si ce n’est que par notre silence.
On dit rien quand on sait qu’une femme talentueuse ne peut plus travailler dans son domaine parce qu’elle a eu le culot de dénoncer les agissements de son supérieur. Il n’y a pas vraiment de conséquences pour celui-ci. Il garde sa job, il se fait juste watcher un peu plus.
On ne dit rien quand c’est connu que des journalistes ou des personnes bien placées sont ouvertement misogynes et jouent à l’avocat du diable dès qu’il est question de dénoncer un comportement qui fait du mal aux femmes.
On va dire que nous, on aurait refusé les avances. On trouve des excuses : « Il est pas de même s’il consomme pas. », « Il fait juste se tenir loin des partys pour un bout le temps de figure it out. », « Je connais une fille que ça n’a pas dérangée, elle. », « Il est talentueux. », « Il est tellement fin », « On va pas ruiner une carrière parce qu’il a été un peu con, non? », « Moi, c’est le talent qui m’importe, je sépare l’œuvre de l’homme. », « C’est pas de mes affaires. », « C’est pas ma job de dénoncer ça. ».
Puis, pendant ce temps-là, on se murmure à l’oreille de faire attention à telle personne. Chaque fois qu’on se fait donner un rendez-vous, on a peur d’être pognée dans une situation qui nous mettrait mal à l’aise. Suffit pas juste de dire non. Il suffit d’être crue et écoutée. De nous faire entendre et de changer ça. Même quand c’est nos amis. Même quand la carrière d’une personne apporte beaucoup de revenus dans une entreprise.
Faut arrêter de donner des passe-droits. C’est notre devoir à tous et à toutes, pour la sécurité de tout le monde. C’est pas plus drôle d’entendre qu’un ami gars s’est fait pogner le pénis dans un bar parce que l’autre ami était trop saoul. C’est pas plus drôle d’entendre qu’un de nos amis gars pogne des culs parce qu’il est trop sur la poud’. C’est ta chum de fille qui taponne tes amis. C’est défendre un violeur parce qu’il a changé. C’est rire des filles qui mettent leurs limites. C’est pas se rendre compte que c’est un problème dans beaucoup d’industries. C’est de pas chercher ce qui se passe ici non plus, en pleurant sur le fait que c’est tellement poche ce qui se passe à Hollywood en ce moment.
C’est de protéger les violeurs. Encore et toujours.
C’est dur dénoncer ses amis, mais je pense que c’est encore plus dur de vivre avec le fait qu’en raison de notre inaction commune, c’est principalement les femmes qui doivent subir non seulement des comportements sexuellement violents, mais aussi les conséquences, pour protéger un type d’art, du cash ou une amitié. Pis ça, c’est vraiment triste. C’est un luxe de protéger les agresseurs, et c’est loin d’être bénéfique pour qui que ce soit.
Il faut arrêter de protéger les violeurs. Une fois pour toutes.