Aller au contenu
On connaît tous un Weinstein
Crédit: Jacob Repko/Unsplash

À moins de vivre en ermite depuis au moins début octobre, vous avez certainement entendu parler de ce qui se passe à Hollywood avec Harvey Weinstein. Depuis les dénonciations contre Bill Cosby, c’est probablement le plus gros scandale sexuel éclaboussant « la capitale mondiale du cinéma ». Loin de moi l’idée de revenir sur les faits puisque, de toute façon, il est assez facile de trouver de l’information sur le sujet en faisant une recherche rapide en ligne, ou simplement en ouvrant le téléviseur ou la radio. Or, malgré les diverses figures publiques qui ont pris la parole pour désavouer Weinstein (heureusement), quelque chose me titille encore dans la façon dont on parle de cette histoire, entre nous et dans les médias, et je pense que cela vaut la peine d’y réfléchir.
 
Heureusement (ou pas), je vois de moins en moins des réactions d’étonnement à l’égard de dénonciations d’agressions sexuelles ou de viols contre des personnes célèbres. Évidemment, le sous-entendu comme quoi l’industrie est libidineuse, incestueuse, et que les belles personnes avec « beaucoup d’ambition » réussissent parce qu’elles ont « de bons contacts » y est sûrement pour quelque chose. Et c’est bien là une partie du problème : non, Hollywood n’est pas exceptionnel.
 
Si vous saviez le nombre de personnes autour de moi qui ont été témoins ou ont subi des avances insistantes, du chantage ou d’autres agressions à caractère sexuel dans le cadre de leur travail, mais qui n’ose pas parler. Non, les ressources humaines ne sont pas nécessairement impartiales. Oui, c’est tout à fait possible de perdre son emploi. Oui, plusieurs savent et oui, personne ne dit rien. Et dans ce climat de peur, souvent, quand une personne parle, on lui fait bien comprendre qu’elle est mieux de retirer ses paroles, sinon… Ce faisant, cela dissuade également les autres personnes (témoins ou victimes) en plus de perpétuer l’omerta, encore et toujours.
 
En fait, ce qui m’étonne, c’est plutôt comment tout le monde est prêt, maintenant que des preuves plutôt irréfutables sont présentées, à renier Weinstein. Ne nous leurrons pas, une très forte majorité de ces gens savaient (et c’était d’ailleurs un secret de polichinelle dans le cas de Cosby également). C’est là que se situe mon autre malaise. Passons le silence de l’employé moyen qui ne tente que de gagner son pain et de garder son emploi, et qui d’une certaine façon, est aussi victime d’un climat de travail de marde (il semblerait, entre autres, que certains employés de la compagnie étaient utilisés dans des subterfuges pour gagner la confiance des victimes). Toutefois, les directeurs et les gestionnaires, les grands réalisateurs, certains acteurs, les politiciens et autres amis de renom, eux, sont complices. Cette impunité des hommes puissants, ils la préservent par leur silence alors qu’ils auraient le pouvoir de prendre la parole et d’affronter les conséquences de celle-ci, du moins énormément plus que les victimes elles-mêmes.
 
Pour couronner le tout, le New York Times signale, plus tôt cette semaine, que le tapage médiatique que ce genre de scandale crée peut aussi nuire aux femmes dans l’avancement de leur carrière. En effet, les hommes auraient dès lors beaucoup plus peur de les recevoir dans leur bureau, de les passer en entrevue, d’avoir une réunion avec elles en privé ou de devenir leur mentor. T’sais, le plafond de verre pis les boys club? Semblerait que maintenant, c’est doublement « notre » faute parce qu’une femme, ish, c’est épeurant! Pourtant, c’est nous qui sommes terrorisées, et depuis longtemps…
 
Et donc, je souhaite m’adresser plus particulièrement à vous, messieurs. Oui, encore. Nous allons le répéter autant de fois qu’il va le falloir : croyez-nous. Et je vais même aller plus loin : ne regardez pas ailleurs, réagissez, parlez, gueulez s’il le faut. Les victimes (femmes, non-binaires et hommes) ne devraient pas avoir à porter seules ce fardeau. Si vous nous aidiez à lutter contre la culture du viol, des dégoûtants comme Weinstein ne pourraient pas sévir aussi facilement pendant 20 longues années, que ce soit à Hollywood ou ailleurs.

Plus de contenu