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Baiser sans se tenir la main
Crédit: Unsplash

Je suis rendue à éplucher mes anciennes fréquentations pour être sûre que je ne me suis pas trompée. J’aurais peut-être dû mettre plus d’efforts sur le dernier, même si je le trouvais un peu « lent ». Ça m’aurait évité de passer ma vie à swiper. À gauche là. Ben rare que j’ai des papillons pis le goût féroce de cruiser par small talk une face floue pixélisée. Je fais juste collectionner des visages anonymes qui me donnent l’illusion d’avoir le choix. Le seul choix, ici, c’est de perdre son temps plus longtemps qu’une pause aux toilettes ou de s’avouer que tous ces matchs ne me feront jamais un café le matin. J’avais plus de fun à collectionner des roches à 8 ans. Quoi qu’une affinité Tinder qui ne parle pas, c’est pas mal la même chose. C’est froid pis c’est plate assez vite.

Je me suis donc dit que pour remplacer mes visages virtuels, je devais me put out there. Ben oui, c’est ça qu’ils disent qu’il faut faire, non? ILS disent aussi de ne pas chercher, parce que jamais on va trouver. Donc là, je suis assise dans un café et je grignote un biscuit en faisant bien attention de ne pas chercher. Ça fait désespérer et comme ILS le disent, être désespérée, c’est pas attirant. Il faut bien peaufiner sa game. Sortir arrangée comme un vendredi soir toutes les fois où on met le nez en dehors de son appart juste au cas où on rencontrerait Mr. Perfect-For-You. Dans les bars, faut pas trop avoir l’air slut parce que ça attire pas la bonne crowd. Faut pas oublier de jamais coucher le premier soir, même si le gars nous plait, même si on a le goût. Faut se retenir l’entrej’ sinon on est sûre de pas avoir de call back. Mais ça, ILS ont pas besoin de nous le dire. On est tellement blasées qu’on le sait déjà. On se résigne à prêter notre corps aux gars qui nous inspirent un lady-boner moyen, avec qui nous sommes convaincues d’avoir aucun avenir en attendant le « bon ». Baiser pour s’endormir et partager nos solitudes sans s’attacher.

Après, sur notre cell, c’est the sound of silence, et ça gosse. Et ça nous énerve encore plus de se rendre compte que ça nous gosse. On s’en crisse, non? Mais on sait bien que toutes les fois où on se dit ça, on ressent le contraire dans nos tripes. Enfin, le téléphone se décide à faire un « ding! » qui disturbed the sound of silence (jeu de mots très voulu). Match Tinder. On a le visage blasé de celle qui sait qu’elle ne parlera jamais à ce gars qui sourit en flattant un tigre.

Donc, on se contente de ces semi-romances qui nous permettent de frencher férocement devant Netflix, mais qui interdisent de se coller trop longtemps le matin. On a le droit de rencontrer ses colocs, mais pas sa famille. On a le droit d’emprunter un T-shirt pour dormir, mais pas de laisser le nôtre là-bas. On peut l’inviter à manger, mais pas au resto. On a le droit de le texter, mais pas de lui dire « je m’ennuie ». On a le droit de baiser, mais pas de se tenir la main.

Faut toujours se protéger. Oubliez jamais de baiser sans se tenir la main.

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