En voyage, je parle souvent de Montréal aux « amis » que je rencontre. Je leur mentionne combien ma ville est magnifique et combien tous devraient la visiter. Souvent, ces amis me répondent qu’ils aimeraient visiter Montréal et en même temps « Y apprendre le français », et moi de leur répondre que c'est un plan utopique. J’ai même déjà rencontré un Irlandais qui avait vécu un an dans notre ville dans l’espoir d’y apprendre le français… en vain. Pourquoi? Parce qu'à Montréal, lorsqu'un client a de la difficulté à s'exprimer en français, on lui sort notre anglais. C'est un superbe réflexe, empli de bonne volonté. Je n'y voyais rien de mal jusqu'à tout récemment.
Et j'en parle aujourd'hui parce que j'ai vécu une situation similaire tout récemment en Amérique latine. À plusieurs reprises même. C'était comme le jour de la marmotte de service en anglais. Et pourquoi ça m'a tant dérangée? Parce que j’étais en pleine intégration culturelle et que je tentais, tant bien que mal, d’améliorer mon espagnol. Et à tout bout de champ, je parlais espagnol et on me répondait en anglais. Comme si mon espagnol n’était pas assez bon. Et pour moi, ça va encore, mais j’ai des amies qui voyageaient avec moi dont l’anglais n’est pas très bon et qui parlaient mieux espagnol qu’anglais. Pourquoi étaient-elles servies en anglais? Pourquoi est-ce que la couleur de notre peau démontrait officiellement une faible connaissance de l’espagnol?
Et là, vous vous demandez probablement pourquoi je parle de tout ça? Pourquoi je vous raconte mes anecdotes de voyage? Parce que je pense que, par respect pour l’effort que fournissent les étrangers à parler français ici, nous devrions les servir en français. D’ailleurs, je me dis qu'un client souhaitant se faire servir en anglais s'exprimera d'emblée en anglais. D’ailleurs, il m’est arrivé en Australie de servir un Français qui ne parlait pas anglais. Dès que je l’ai abordé, en anglais, pour lui demander si son repas lui plaisait, il m’a répondu : « English, no! Français? » J’ai aucune idée s’il s’attendait à ce que, dans un petit village reculé de Tasmanie, quelqu’un le serve en français, mais au moins il a exprimé son besoin. (Il a fait le saut quand je lui ai demandé « Est-ce que tout va bien ici? » dans un français impeccable par contre!) Soyez sans crainte, les clients sauront vous le dire s’ils ne comprennent pas le français.
La meilleure façon d’apprendre une langue, c’est encore de l’utiliser. Mais aussi, c’est d’accepter que l’autre fasse des erreurs, d’accepter qu’il prenne son temps et qu’il cherche ses mots. De l’aider au besoin. Mais surtout, surtout ne pas fermer la porte à son désir de communiquer dans notre langue en lui répondant en anglais.