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Que Dieu me pardonne si je suis féministe

La matinée du 5 août 2017 a été le malheureux théâtre de la publication d'un énième torchon anti-féministe. Devrais-je y aller plus mollo avec mon jugement? « Ce n'est pas parce que c'est une opinion divergente que ça en fait nécessairement un mauvais texte »? (dites donc, j'aurais pensé que s'opposer à la lutte pour les droits des femmes ne pouvait pas constituer une opinion valable, mais qu'en sais-je hein!) Hé bien, laissez-moi extrapoler sur la légitimité de mon concentré de rage.

Rien de nouveau sous le soleil, donc, pour les féministes. Ce n'est rien d'autre qu'une variation de plus parmi les centaines qui existent déjà sur le même thème du fantasme dystopique d'un complot féministe dans le but de « l'inversion des rôles » (si ces gens parlent d'inversion, est-ce qu'ils ne révèlent pas malgré eux que la dynamique de pouvoirs actuelle désavantage effectivement une des factions, et ils craignent que ce soit leur tour? #Oups).

Comme d'habitude avec ce genre d'immondice textuel, le contenu est sensationnaliste, alarmiste et populiste, et il se présente comme « brave » de révéler les sombres desseins des michantes féministes, en dépit du danger de s'opposer à la « ligne de parti » de la société, parce que, comme officialisé par les auteurs de ces textes et les gens qui les commentent, nous vivons dans un système matriarcal où le féminisme a gagné. Y'a quelqu'un qui ment quelque part parce que je n'ai toujours pas reçu les bénéfices que je suis censée retirer de ma domination de la gent masculine #Sarcasme.

En fait, ce ramassis de malhonnêteté intellectuelle capitalise à fond sur les préjugés d'un public conquis d'avance, qu'il nourrit et qui l'encense en retour. Hélas, contrairement à l'idée que ce genre de médisance illusionnaire véhicule, « le » mouvement féministe (constamment incompris, d'ailleurs) n'a pas la portée ni l'influence qu'on lui attribue et qu'on sent le besoin de dénoncer avec une réception globalement surtout favorable.

Les petits gains que l'on fait pour mieux assurer la sécurité sexuelle des minorités les plus vulnérables sont instrumentalisés de mauvaise foi en attaques personnelles envers la Masculinité elle-même. Tout ce qu'on veut, c'est que cessent les viols, mais même demander ça, selon des articles comme celui-là, c'est brimer la sexualité des hommes. Ben coudonc. Peut-être que si le type de masculinité tellement cher aux auteurs de dérives tapuscrites telles que le texte critiqué n'était pas ancré dans la domination et la violence sexuelle, les revendications féministes seraient moins ressenties comme des attaques misandres #JustAThought.

Et attention, ces mêmes auteurs nous font aimablement part de leur opinion sur quel féminisme est acceptable et lequel mérite leur vitriol. Grâce à ces chers messieurs, on en apprend donc sur l'état du féminisme contemporain et sa pertinence : c'était correct dans le temps de la deuxième vague, mais on vit maintenant dans une ère post-féministe, où les maudites folles hystériques qui crient au viol pour un effleurement de main sont en train de ruiner la romance (extrême sarcasme, là, mais c'est tout de même un pastiche de ce qui peut se lire sur les réseaux sociaux).

D'après mon expérience, la connaissance qu'a le grand public du féminisme provient beaucoup du bouche à oreille désinformatif de gens ayant des intérêts à ce que le mouvement meure, même si maintes auteures de bonne foi s'évertuent à publier en vain moult articles très éducatifs sur le.s féminisme.s et leur terminologie (telle la culture du viol dont la définition est toujours mal comprise).

Sachant cela, j'écris ce texte sans grand espoir qu'il fera autre chose que prêcher à des converti.e.s. Je suis épuisée que notre parole, même la plus raisonnable, ait systématiquement moins d'impact que celle, même la plus malhonnête, d'un homme qui souhaite perpétuer de la désinformation. 
 

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