Petite pièce sombre de mon école primaire. Vieux cachot de Poudlard, dans mon souvenir, entécas. Il y a la psychoéducatrice. Faut que je deal mes shits. J’ai 8 ans pis j’ai déjà des problèmes. Je suis la petite grosse un peu nerd qui fitte pas trop avec sa lune de tête. Sa tête remplie de pensées qui font trop mal. Je parle de mes peurs. Je parle de mon corps qui est plus rempli et mou que celui des autres. J’ai peur de pas être comme les autres. Je sais que je ne suis pas comme les autres. Ma tête est malade et mon corps est trop gros. Faut que ça change.
Secondaire 2. CLSC : nouvelle année, nouvelle psy. J’essaie de tuer mes idées qui ne pensent pas dans la boîte. Tout le monde m’aime, mais personne ne me connaît. J’ai cent amies ou pas pentoute. Je commence à me faire vomir. Tannée de jamais voir de filles comme moi à la télé. Je pense que je suis la seule à avoir jamais fait ça. Je maigris. Ma tête est malade et mon corps est trop gros, faut que ça change.
Variation sur un même thème. J’ai 16 ans, 21 ans, 25 ans.
Mon corps est gros : je suis une grosse femme. 250 livres environ. Je ne sais pas, je ne sais plus. J’ai des lignes de guerrière sur mon corps. J’ai peur de manger pis faire du sport. Parfois, j’ai même peur d’exister devant les autres. Mon corps obèse et moi on se bat pour être fiers. Pour pas se sentir tous seuls de notre gang.
Crédit : Les folies passagères/Facebook
Ma tête a beaucoup de diagnostics à son actif. You better work bitch. Dépression, hyperphagie boulimique, poutine de troubles anxieux. C’est ça moi. C’est l’énumération qui suit mon nom dans mon dossier médical. On m’a renommée avec. J’ai bâti mon identité d’adulte en me présentant comme Myriam, grosse femme avec une maladie mentale. Je l’ai écrit, dit et sûrement même crié parfois. J’exposais ce que j’avais si longtemps crissé dans un trou au fin fond de mon jardin secret. Les gens devaient savoir qui j’étais dans le fond.
J’étais plus toute seule. Je me suis rendu compte que je n’étais pas l’unique représentante des personnes grosses et anxieuses. Ça me faisait du bien. Je me suis bâti une communauté. On était toutes seules en gang.
J’ai évolué, lentement.
Je suis lentement devenue une adulte, une vraie. Même pas une avec le badge en formation accroché à la chemise. Je l’ai constaté récemment, quand j’ai eu 25 ans pis que ça ne m’a même pas fait peur. Être une adulte m’a fait réfléchir, I guess.
Être grosse et anxieuse, ça fait partie de qui je suis et ça le fera sûrement toujours. Par contre, je ne suis pas que ça. Il y a aussi mes idées, mes peurs, mes passions, mon entourage et mes valeurs.
Ce sont ça et tant d’autres choses qui me définissent.
Je suis Myriam, une humaine belle de sa complexité.