On a souvent tendance à penser que notre santé physique, c’est de nos affaires à nous, et seulement à nous. Cependant, plusieurs situations dans ma vie ainsi que des témoignages lus en ligne m’ont fait réaliser que, lorsqu’on se retrouve dans un couple, ou même dans une relation intime plus casual, les choses ne sont malheureusement pas aussi simples que cela.
J’ai commencé à réfléchir à cette question quand j’ai réalisé la grande différence entre les hommes et les femmes de mon entourage quant au dépistage des ITS. Dans ma propre expérience, j’ai souvent réalisé que, lorsque quelque chose me semblait anormal down there, j’allais toujours me faire dépister, même s’il y avait peu de chances que j'aie une ITS. Et j’en parlais à mon partenaire, car je pense qu’il ne faut pas niaiser avec ça : je lui disais que j’avais des doutes, que j’irais faire un test, et je lui demandais à quand remontait son dernier test, la base quoi. La grande majorité du temps, mes partenaires n’avaient JAMAIS fait un test de dépistage de ITS de leur sainte vie! Et lorsque je leur demandais d’aller se faire tester aussi pour ne pas porter le fardeau seule, ils me répondaient que c’était inutile, puisque j’allais le faire (yay…). Et on s’entend que, si je ne l’avais pas fait, ils ne l’auraient pas fait non plus, prétextant que c’était MOI qui ressentais les symptômes, alors c’était à moi de passer les tests (fait vécu). J’ai même eu un partenaire qui avait une plaque rouge sur le pénis, et n’étant pas certaine de ce que c’était, je lui avais demandé d’aller consulter avant qu’on reprenne les festivités (lol). Cette demande qui me semble tout à fait sensée et normale a été accueillie comme une trahison, comme si je le trouvais malpropre ou ne lui faisait pas confiance, et ça a tout pris pour qu’il voie enfin un médecin. Finalement, c’était de l’eczéma, mais je pense que c’est juste normal de demander à son partenaire de s’assurer qu’il n’a rien de contagieux lorsqu’il a une plaque sur le pénis qui apparaît du néant.
Cette observation ne se résume pas aux problèmes de santé sexuelle, bien que ce soit un domaine où ces enjeux sont très clairs : je remarque souvent que les hommes autour de moi tardent à consulter pour plusieurs afflictions, sans réaliser que cela peut mettre un poids supplémentaire sur les épaules de leur partenaire. Je parle ici d’hommes, car il y a une forte tendance en ce sens dans mon expérience, mais on s’entend que ça peut arriver à tout le monde, dans tout type de relation ; je pense par contre que les exigences de masculinité toxique, notamment la peur d’avoir l’air faible, jouent un rôle dans cette dynamique. Parfois, l’impact est clair : une personne dans le couple a quelque chose de contagieux et expose son ou sa partenaire à la contagion parce que ça ne lui tente pas d’aller chez le médecin. Mais il y a aussi des enjeux liés aux maladies qui ne sont pas contagieuses, par exemple lorsqu’une personne du couple dit à l’autre qu’elle devrait aller consulter, que la personne affectée n’y va pas, que son état empire, et qu’un coup son état aggravé, la personne affectée s’attend à ce que son ou sa partenaire s’en occupe. On pourrait aussi parler de la charge mentale lorsqu’un.e partenaire s’occupe de la gestion de tous les rendez-vous médicaux, d’acheter la médication, etc.
C’est bien sûr un sujet délicat ; il n’y a pas de honte à souffrir de certaines conditions qui demandent des soins et de l’attention, il va sans dire, et je crois que tout repose dans l’honnêteté et l’équité. Cependant, lorsqu’on décide de ne pas veiller à notre santé simplement par négligence ou par paresse, qu'on prend pour acquis que l'autre va s'en occuper, il faut se demander si, au bout de la ligne, on n’est pas en train d’imposer des poids non consentis à une autre personne, des poids qui auraient pu être évités. Si la « responsabilité médicale », si l’on peut dire, repose asymétriquement sur l’un.e des membres d’une relation, il y a matière à se poser des questions.