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To the Bone : une discussion nécessaire malgré la maladresse
Crédit: Capture d'écran Netflix

En janvier dernier, Netflix a récidivé avec la diffusion d’une autre œuvre cinématographique audacieuse, voire contestable. Après 13 Reasons why qui avait beaucoup fait jaser, cette fois-ci le sujet aborde les troubles du comportement alimentaire, plus spécifiquement l’anorexie.

Étant moi-même en processus de guérison d’un trouble alimentaire depuis quelques années, j’étais très fébrile de me retrouver devant ce film. Préoccupée et partagée entre les opinions de quelques personnes de mon entourage et les discussions intelligentes et sensibles avec d’autres auteur.e.s de TPL, j’étais prête à faire face à plusieurs éventualités. Je m’étais même préparée à vivre des émotions qui pourraient déclencher des comportements. Mon amoureux pas très loin qui se reposait, j’ai appuyé sur play avec les mains un peu moites, je l’avoue.

J’ai d’abord apprécié que Netflix nous mette en garde dès le début que le visionnement du film pourrait être un facteur déclencheur pour des gens aux prises avec des problématiques similaires. Well done, mais est-ce que ça change vraiment quelque chose? Un peu comme les ratings sur les jeux vidéo ou les films plus violents, ça n’empêche pas que des gens qui ne devraient pas y avoir accès se retrouvent devant certaines scènes qui pourraient les traumatiser ou les influencer.

Je le répète peut-être, je travaille en relation d’aide avec des femmes multiéprouvées. J’ai une approche envers la souffrance d’autrui qui me positionne souvent en mode écoute, compassion et accueil bienveillante, j’ai donc été touchée par l’histoire de Ellen (Eli). Même si je ne vis pas le même trouble, je comprends la souffrance reliée à la nourriture, au poids, à l’image de soi. Je sais que la nourriture n’est qu’un canal pour extérioriser ou matérialiser une grande souffrance qui prend ses racines bien souvent dans l’enfance ou les relations avec des personnes significatives comme les parents. Attention, il existe autant d’histoires que de personnes aux prises avec un trouble alimentaire et le personnage d’Eli n’est qu’une représentation partielle d’une réalité bien singulière. 

La maison de traitement qui accueille Eli est bien spéciale et son docteur tout autant. Certains ont trouvé que le médecin avait une approche humiliante et condescendante. Je l’ai trouvé, quant à moi, authentique et orienté vers l’approche de type motivationnelle. Question de perspective et de vécu probablement. L'un n’invalide pas l’autre selon moi.  Est-ce que le centre dépeint la réalité? Non. Surtout pas celle au Québec où les gens aux prises avec des TCA ont du mal à obtenir des soins et quand ils en obtiennent, c’est souvent dans l’environnement froid et aseptisé d’un hôpital.

Par contre, dans le film, on comprend qu'Eli n’en est pas à ses premiers traitements et que tout semble avoir échoué jusqu’à ce jour. Cette approche et ce médecin marginal me font plutôt réfléchir sur la nécessité de multiplier les ressources et les approches pour venir en aide à ceux qui souffrent. Les histoires sont multiples et la détresse immense, nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de se cantonner dans une rigidité au niveau des approches et des écoles de pensées.  

Est-ce que le film contient des triggers? Pour moi, ça n’a pas été le cas. Toutefois, je ne vis pas ce trouble en particulier et j’étais préparée. J’ai fortement apprécié l’article d'Élyse Beaudet sur le blogue de ANEB qui parle de certains détails qui méritent un reality check. Beaucoup des filles que j’ai consultées ont été choquées par plusieurs détails et pour certaines, le film a été particulièrement difficile à regarder.

À mon avis, il est très difficile de dépeindre toutes les réalités entourant les troubles alimentaires, car il s’agit d’un sujet très complexe. Toutefois, je lève mon chapeau à Netflix de se positionner de la sorte sur des sujets sensibles entourant la santé mentale. Il faut qu’on en parle! Les tabous, les non-dits, les préjugés, c’est lourd. Offrir du contenu comme celui-ci, c’est permettre d’ouvrir les discussions et de réfléchir. Parce que même si ce n’est pas parfait, ça génère des discussions.

Ce que j’ai moins aimé est de savoir que l’actrice principale, Lili Collins, qui a déjà souffert d’anorexie, s’est vue demander de perdre du poids afin de rendre le film plus réaliste. Ça me rend TRÈS inconfortable, car je pense à tous les dangers physiques et psychologiques auxquelles elle a été exposée. C'est vraiment troublant pour moi. 

J’aurais voulu aussi voir une plus grande diversité de troubles alimentaires mis de l’avant. L’hyperphagie, par exemple, qui fait très peu parler d’elle alors que c’est un trouble alimentaire affectant des millions de gens en Amérique du Nord. On a vaguement entendu une des patientes du centre dire qu’elle avait des binges sans comportement compensatoire. Je me console de voir qu’au moins la production a pensé à mettre un garçon dans le cast et des personnes racisées. Parce que, ne l'oublions pas,  les troubles alimentaires touchent des gens de tous genres confondus, de toutes les nationalités, de toutes les couches sociales et surtout la souffrance ne se mesure pas aux chiffres sur la balance. 

Envisager une guérison complète quand on parle du TCA, c’est possible, mais on parle d’un long chemin qui peut s’étendre sur plus d’une dizaine d’années. J’ai donc apprécié que le film se termine sans qu’on mentionne le rétablissement d'Eli, car ce n’est pas parce qu’elle a eu ce moment de prise de conscience que tout est réglé. C'est surtout l’importance de la reprise de pouvoir sur sa propre vie qui a été mise de l'avant et je trouve ça favorable comme perspective. En fait, c'est ce que je souhaite à tous celleux qui souffre : de trouver leur chemin, à leur propre rythme et avec les outils et personnes qui seront adaptés à LEUR réalité.

Si le film a déclenché des malaises, des émotions difficiles à gérer, des inconforts, sachez qu’ils sont valides. Personne ne devrait vous dire le contraire. Si vous sentez que ça vous dépasse et que vous perdez le contrôle, n’hésitez pas à demander de l’aide. Vous pouvez, entre autres, communiquer avec la ligne d’écoute de chez ANEB : 

Pour les résidents de la région de Montréal sans frais au 514 630-0907

Pour les résidents des régions à l’extérieur de Montréal sans frais au 1 800 630-0907

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