Pour ne pas se méprendre, prenez le temps de lire Le boysclub de Stéphanie Boulay.
Elle a eu le courage de prendre parole sur une expérience personnelle. Elle s’est livrée, elle s’est fâchée, elle s’est exprimée. Les messieurs et quelques madames (pour les fru-frus qui vont crier à la généralisation : sur 522 commentaires (le 12 juillet 2017 à 9 h 56) sous l’article de La Presse, il y a 141 hommes qui ont publié des propos méprisants et surtout violents, versus 14 femmes qui ont fait de même) vous l’avez jugée, étouffée. Vous avez voulu la corriger et surtout questionner son jugement. C’est en partie ce qu’elle déplore dans son magnifique texte.
Et à tous ceux qui prônent le « Not all men » (Expression utilisée pour discréditer certains propos féministes) quand nous en venons à parler de misogynie, sexisme ou d’agressions faites aux femmes, je vous propose un tour sur Twitter en compagnie de #YesAllWomen.
« Trembler et avoir envie de disparaître » – Virginia Woolf
Les femmes ont généralement grandi avec la peur de parler en public. Depuis pas si longtemps au Québec, ce sont les hommes qui contrôlaient la grande majorité des décisions des femmes (Allô le droit de vote en 1940). Stéphanie Boulay fait part d’une réalité dont la majeure partie des femmes sont victimes. Elle s’exprime, elle écrit, elle ressent, dans un article de son blogue personnel. Et vous, vous la violentez à coup de clavier.
Vous avez fait preuve d’un égoïsme écarlate. Vous prouvez que la stigmatisation de certains groupes existe encore.
Parler d’une agression sexuelle en public ou dénoncer des conditions que trop de femmes vivent, c’est être héroïne. Toutes les personnes qui ont eu le courage de s’exprimer sur ces actes condamnables au fil des années contribuent seulement à détruire la culture du viol et ont rafistolé le monde.
Dénoncer une agression ou une maltraitance quelconque sur la place publique n’égalera jamais à vouloir se rendre victime ou rechercher de la pitié. C’est d’aller tendre la main à toutes celles et ceux qui vivent la même chose dans le silence.
Oui, oui les boysclubs existent.
Après avoir eu la pire idée du monde de lire les commentaires sous les articles rapportant les propos de Stéphanie Boulay, j’ai réalisé que beaucoup ne semblent pas comprendre le concept de boysclub.
« Les amis du boysclub, entre eux, ne se froissent pas de ça, et aucun de leurs déboires n’entache l’opinion qu’ils ont les uns des autres. Comme s’ils faisaient partie d’un monde clos, et nous d’un autre, hermétique, séparé, non-équivalent. »
Le boysclub dont l’auteure parle fait écho à ceux du quotidien. Son boysclub quotidien. Plus personnel, intime et ravageur pour la santé mentale et physique des femmes qui en sont victimes. C’est un boysclub plus sournois, pernicieux.
Des hommes qui mettent la responsabilité de leurs sentiments, actions, tromperies sur une femme. Nonchalants, souvent inconscients de leur comportement.
Ceux qui laissent la femme prendre soin d’eux. La femme qui doit ressortir sa plus grande éthique du care : être attentive, gentille, empathique, maternelle, douce. Prendre soin des autres. Mais qui finit plus souvent qu’autrement vidée et seule.
Ils existent dans plein plein plein de sphères.
Les boysclubs, qu’ils soient personnels, sociaux, culturels ou même mondiaux, sont bien réels ; l’anthropologue française Nicole-Claude Mathieu a montré que lorsque nous pensons à un groupe social catégorisé, nous avons tendance à l’imaginer 100 % masculin. Ce qui se révèle la plupart du temps vrai. On peut penser aux sphères politiques, musicales, littéraires, cinématographiques, philosophiques, etc.
Un exemple? Le palmarès des dix meilleurs films mondiaux de l’année 2016 par La Presse liste huit réalisateurs masculins. On retrouve de l’autre côté de la balance deux femmes : l’Allemande Maren Ade et la Britannique Andrea Arnold.
Un autre pour la chance? Le Journal de Montréal a établi une liste des cinquante meilleurs albums mondiaux de l’année 2016. Résultat? Dix-huit femmes sur cinquante artistes. Ce qui équivaut à un bon gros 36 %. La parité? Pas certaine…
OK, jamais deux sans trois qu’ils disent! En 2014 l’émission Plus on est de fous, plus on lit, présentée à Radio-Canada, a recommandé quinze livres pour jeunes du secondaire. Un seul découle d’une plume féminine. 6,67 %.
C’est certain que trois petits exemples comme ceux-ci ne pèseront pas lourd dans le balancier de votre perception. Par contre, je vous conseillerais fortement une petite visite sur la page Facebook Décider entre hommes. Avec des publications quotidiennes montrant la mer d’hommes qui déferle dans les sphères de décisions et d’influences, on comprend vite que plusieurs domaines sont teintés d’un boysclub.
Oui on est peut-être un peu plus « chanceux » niveau égalité au Québec, mais notre situation est loin d’être admirable.
À tous ceux qui se sont sentis visés par le billet de l’artiste : Pourquoi défendre les agresseurs, batteurs, masculinistes, douchebags?
Pourquoi ne pas vous s’identifier aux féministes et aux vecteurs de changement?
Comme à Stéphanie Boulay, mettons?