Quand ça a commencé, durant ma première année de Cégep, je ne comprenais rien. J’avais TOUJOURS mal au ventre. Après presque chaque repas, je devais me rouler en boule comme une larve inutile, parce que rester debout ou en position allongée était physiquement insupportable. Se mêlait aussi à la partie une super plaisante diarrhée quotidienne… Ne sachant nullement d’où ça venait, j’ai tout tenté : éliminer le gluten de mon alimentation, ensuite les produits laitiers. J’ai pris quantité de Pepto, Tums, Maalox, charbon activé, name it! Mais rien n’y faisait ; je devais seulement attendre dans ma position fœtale que ça passe pour recommencer à vivre. Plusieurs fois, le mal était si intense que je devais quitter le travail ou manquer des cours pour cause d’incapacité à me tenir debout.
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Après un an de marde (au sens figuré comme littéral #JokePasJoke), je me suis dit que tout ça n’était sûrement pas normal et que j’avais probablement un cancer de l’intestin (Googler ses symptômes n’est jamais la meilleure idée). Après consultation avec un gastroentérologue, j’ai passé une panoplie de tests : prises de sang innombrables, pipi dans un petit pot, caca dans un plus gros pot et gastroscopie, fabuleux processus qui consiste à insérer une caméra dans un humain, par la bouche, pour aller observer le dedans de l’intestin. Mon médecin a finalement conclu qu’il ne détectait rien d’anormal, donc qu’il s’agissait du syndrome de l’intestin irritable, un mal chronique bénin à cause officiellement inconnue, mais qui est souvent relié au stress et pour lequel, joie, il n'existe aucun traitement.
À cette période de ma vie, je me suis dit : « Ben voyons, j’suis même pas stressée, ça a pas rapport. » Mais ça a continué tout au long de mes deux ans de Cégep et de ma première année d'université. Ça a diminué durant l’année suivante, alors que j’étais en période sabbatique de recherche d’une voie pour mon futur, et c’est devenu moins pire pendant les trois ans de mon baccalauréat qui ont suivies. Depuis que je suis déménagée en Californie, les symptômes ne se font plus sentir qu’à l’occasion. Coïncidence? Je ne crois vraiment pas.
Avec le recul et la période de réflexion existentielle dans laquelle je me suis plongée ces deux dernières années, je peux maintenant dire que oui, mon mal a pour cause une anxiété enfouie au plus profond de mon être. Elle se terre tellement loin que mon corps réagit à grands coups de spasmes intestinaux avant même que mon cerveau puisse se rendre compte de ce qui se passe.
Cette anxiété, c’est ma peur constante de ne pas être à la hauteur. C’est ma peur de décevoir les gens que j’aime en faisant des choix de vie que la Sainte-Doctrine société ne prescrit pas pour les jeunes femmes. C’est la peur du regard des gens sur moi et de leur jugement. C’est la peur de ne pas être au bon moment au bon endroit dans mon petit cheminement de vie. C’est cette peur-là qui me gruge l’intérieur des tripes depuis que j’ai terminé le secondaire. C’est la vie et ses infinies possibilités parmi lesquelles j’ai eu (et j’ai encore) excessivement de difficulté à faire un choix, le bon choix.
Toutes ces années ainsi que les décisions et changements que j’ai faits dans ma vie m’ont permis de me rapprocher de ce choix, qui s’avère finalement être DES choix. Parce qu’en fait, pourquoi m’obliger à décider d’une seule option, d’une seule vocation que je devrais poursuivre toute ma vie, alors qu’il y a tant de choses que je souhaite explorer? Avec le temps, j’essaie de me détacher du regard des autres et de poursuivre ma propre voie, qui est loin du petit moule sociétal dans lequel mes rêves sont bien trop grands pour fitter.
Mes maux sont maintenant beaucoup plus sporadiques et vraiment moins douloureux qu’avant. J’arrive à mieux les contrôler en méditant (oui oui!) et en réfléchissant sur la cause de mon anxiété qui, si parfois se rapporte à un événement précis qui approche, est toujours de près ou de loin lié à ma peur du regard des gens et de ne pas être à leur hauteur. Le yoga et le sport m’aident aussi énormément à évacuer le stress, beaucoup plus que n’importe quel liquide rose ou pilule bleue. La partie n’est pas gagnée, mais je prends du terrain et laisse de moins en moins d’espace à mon angoissant opposant.
Avez-vous déjà eu des symptômes semblables? Quelle cause avez-vous trouvée à ce mal?