J’entends de plus en plus de témoignages de gens soulignant l’aspect dévastateur des médias sociaux sur leur estime personnelle ou sur leur relation avec leur propre image. Et je ne peux m’empêcher d’être d’accord avec le fait que, oui, faire miroiter une vie qui n’est pas réellement la nôtre sur Instagram est destructeur à long terme et que, oui, se comparer à cette perfection irréelle et trop répandue est tout aussi nuisible, pour soi et pour les autres. Moi-même, il y a quelque temps, j’ai eu à repenser la relation que j’entretenais avec les réseaux sociaux. Je m’en suis détachée le temps de réfléchir et j’ai réalisé, tout de même, qu’au-delà de tous leurs effets pervers, les réseaux sociaux ont aussi un beau côté : ils permettent l’émerveillement.
Je m’explique. Depuis plusieurs mois déjà, dans le cadre de mon projet de maîtrise, je m’intéresse à la notion d’émerveillement dans la littérature. Les réseaux sociaux, aussi étonnant que cela puisse paraître, constituent une forme de littérature ; ils participent à la création d’un discours personnel et social. À travers les photos, les statuts, les hashtags, on raconte des histoires, on crée des images, des récits. Lorsqu’on apprend à s’en détacher assez pour ne pas se comparer systématiquement à ce qu’on y voit, on réalise qu’Instagram, par exemple, est aussi un réseau de partage de ce qui nous émerveille personnellement et collectivement.
Instagram nous permet de modifier la réalité. Et puis après? Les livres et les films aussi. En publiant des photos avec des filtres de couleurs, on se donne la chance de voir la vie en rose, mais aussi en bleu ou en mauve. C’est une façon de retourner à l’enfance, quand on se permettait de voir la vie comme on le voulait. Ce n’est pas toujours mauvais de s’éloigner du réel. Parfois, se donner la chance de voir la vie autrement, c’est bon pour le moral.
Collectivement, c’est aussi intéressant de voir autant de gens se rassembler autour de la beauté et d’aimer, tous ensemble, cet esthétisme bien cadré dans le quotidien. C’est une façon de saisir le moment, de prendre le temps de s’émerveiller devant quelque chose qui nous touche, devant une combinaison de couleurs, de détails et d’émotions et de les partager pour vivre ces émotions en communauté.
Je ne dis pas que tout est parfait au sein d’Instagram et des réseaux sociaux en général. Et je ne minimise pas leurs effets destructeurs, loin de là. La modération, qu’on se le dise, a ici bien meilleur goût. Néanmoins, Instagram et ses dérivés nous aident à esthétiser notre quotidien, à partager notre amour des moments bien saisis. La photo a un pouvoir inouï, permettons-nous de l’utiliser pour tapisser les murs de couleurs.