Je parle souvent de ma décision d’avoir tout lâché, d’être retournée à l’école, de vivre d’amour, d’eau fraîche et de bénévolat, de voyager environ quatre fois par année et de mon intérêt pour la mode éthique et de toutes ces belles valeurs. Nous ne reviendrons pas sur le fait que je suis privilégiée et que mon mode de vie en résulte, j’en ai parlé à plusieurs reprises.
J’ai longtemps cru que cette chance était donnée à tout le monde. Que se contenter de l’essentiel était une habileté que tous pouvaient développer. Par contre, je réalise la chance que j’ai eu de grandir dans la ouate. D’avoir eu deux parents au revenu assez substantiel pour que jamais je ne sente le manque d’argent, qui m’ont payé mes études jusqu’à ce que je gagne plus cher qu’eux. D’avoir eu un ex économe avec qui j’ai mis tous les sous que je gagnais de côté pour « plus tard ». D’avoir eu accès aux meilleures écoles publiques, parce que situées dans les quartiers mieux nantis. De n’avoir côtoyé sur les bancs de celles-ci aucun élève en difficulté dont le rythme m’aurait ralentie. D’avoir été exposée au bénévolat et à l’entraide lorsque j’étais jeune. Et surtout, que durant toute mon enfance, on m’ait toujours dit que je pouvais faire ce que je voulais de ma vie.
Cette envie de tout lâcher, je l’ai eue parce que je savais que j’en avais la chance. Parce que je ne sais pas c’est quoi, manquer d’argent. Parce que je n’ai jamais été sans emploi bien longtemps. Et comme j’ai eu le support financier de mes parents toutes ces années, du haut de mon diplôme de premier cycle, le gouvernement accepte de me verser une certaine somme d’argent pour me supporter dans mon retour aux études. Bref, j’ai la chance d’avoir eu les moyens d’accéder à l’éducation, et de les avoir encore.
Cette force et cet élan qui me poussent à me surpasser ne sont pas donnés à tout le monde. Il faut avoir connu le luxe pour souhaiter s’en débarrasser. Comment cesser de désirer quelque chose qu’on n’a jamais connu?
Dans cette optique, j’arrive à voyager sans trop de sous parce que j’offre mes services à qui le veut bien. Parce que je connais ma valeur et parce que mon passé m’a donné un fort bagage que je traîne derrière moi. Parce que je suis capable me débrouiller dans plusieurs différentes situations, de la construction d’une maison à du ménage de chambres d’hôtel en passant par la restauration et la cuisine.
Où je veux en venir avec tout ça? Ce n’est pas donné à tous de prendre de tels risques. De tomber et de recommencer jusqu’à ce que ce soit la bonne fois! Parce que je n’ai pas peur de manquer d’argent et que je peux mener des projets qui sortent de la routine. Par contre, je suis de plus en plus consciente que beaucoup n'ont pas cette chance-là. Pour plusieurs, la peur de manquer d'argent sera toujours présente et le privilège de choisir d'en manquer ne sera pas là. Il faut avoir eu de l’argent pour comprendre son effet, mais surtout à quel point il ne fait pas le bonheur.