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Quand Montréal n’a pas le cœur à la fête
Crédit: Memory Trigger/Shutterstock

Le 17 mai dernier marquait officiellement le 375e anniversaire de ma ville adorée, Montréal. Ce matin-là, je me suis réveillée toute croche en écoutant une entrevue radio un peu particulière qu’accordait Martin Landry, responsable des contenus historiques pour Montréal, à Gravel le matin, dans laquelle ce dernier racontait fièrement la fondation de la ville, en mentionnant  que les méchants Iroquois menaçaient l’arrivée des Européens, alors que ceux-ci voulaient seulement convertir les Amérindiens au catholicisme. Une description, bien qu’exacte, qui me semblait peu reluisante pour faire l’éloge de la création de la métropole.
 
Il est vrai qu’en me remémorant cette histoire, le sentiment de fierté que j’aurais été censé ressentir a fait place au malaise. J’avoue qu’à ce point, j’avais plutôt mal à mon Montréal. J’espérais alors au moins que le spectacle Bonne Fête Montréal, auquel j’allais assister en soirée, n’allait pas oublier cette partie de l’Histoire, même si elle était peu glorieuse. Après tout, le spectacle promettait d’être inclusif et représentatif de la diversité montréalaise.
 
Le malaise
C’est avec un faible numéro d’ouverture, criblé de blagues faciles et empreint d’un humour désuet que Guy A. Lepage a inauguré la soirée. J’ai été abasourdie par le manque de sensibilité et de conscience dont l’animateur a fait preuve durant cette soirée. Des allusions douteuses à Guy Turcotte, Karla Homolka et Rocco Magnotta, en passant par des « dans mon temps, on traitait les gars de fifi » ou des « une chance que les immigrants sont là… pour chauffer nos taxis » en passant par une farce de suicide pour rire du pont Champlain : tout était de mauvais goût et complètement décalé. 
 
J’ai de la difficulté à cerner ce qui a poussé M. Lepage et le prestigieux metteur en scène, Serge Denoncourt, à croire que ces propos étaient non seulement dignes de l’événement, mais aussi socialement acceptables dans la réalité d’aujourd’hui. Il est temps de se réveiller et se mettre à jour, s’approprier des thèmes sensibles qui représentent une réelle oppression dont de nombreux.ses Montréalais.es (et êtres humains, en général, en fait) souffrent encore quotidiennement pour en faire un numéro humoristique relève de l’ignorance et du mépris selon moi. La dénonciation de ce type de propos prend de plus en plus de place dans l’espace public et en faire fi au bénéfice d’une « bonne blague » contribue à diminuer son importance. Je trouve incroyable que des personnalités aussi influentes que l’animateur et le metteur en scène n’aient pas été plus alertes et consciencieuses pour l’écriture de ces textes.
 
Quel hommage?
Bien que ce spectacle se voulait un hommage à la grande ville, le thème récurrent de la soirée était les mauvais côtés de Montréal. Il aurait été hypocrite et de mauvaise foi d’uniquement encenser la ville alors que tous connaissent ses nombreux irritants. Il fallait s’y attendre : Montréal est loin d’être parfaite. Toutefois, la majorité des interventions de l’animateur (et l’entièreté du numéro de Laurent Paquin, qui personnifiait le maire Coderre pour l’occasion) s'est résumée à décrier les bâtiments en décrépitude et la circulation monstre, ce qui est une façon plutôt curieuse de célébrer un anniversaire. Ça aurait pu être l’occasion de célébrer ce qu’elle a de plus cher comme son multiculturalisme ou sa scène culturelle, non? Apparemment, non.
 
Si célébrer Montréal se résume à lui affubler des propos rétrogrades et des critiques affligeantes, je préfère m’en dissocier. Cette ville est tellement plus grandiose que ce que ce spectacle a dépeint et ça me désole. Dans les dernières années, il semble que Montréal soit sur le respirateur articifiel et ce show en a été le miroir.

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